Le Troisième Reich, T1
vingt-cinq points, adopté en 1920. Les Strasser et
Gœbbels réclamaient la nationalisation de la grosse industrie et des grandes
propriétés et la création d'une chambre des corporations d'inspiration
fasciste, qui remplacerait le Reichstag. Hitler refusa d'assister à la réunion,
mais dépêcha là-bas son fidèle Gottfried Feder pour le représenter et pour
mater les rebelles.
Gœbbels demanda que l'on expulsât Feder. « Nous ne voulons pas
de mouchard! » cria-t-il. Plusieurs chefs nazis, qui devaient plus tard faire
carrière dans le Troisième Reich, étaient présents : Bernhard Rust, Erich Koch,
Hans Kerrl et Robert Ley; mais seul, Ley, le chimiste alcoolique, chef du
district de Cologne, soutint Hitler. Quand le docteur Ley et Feder arguèrent
que la réunion n'avait pas lieu dans les règles, que rien ne pouvait être fait
sans Hitler, le chef suprême, Gœbbels s'écria (selon Otto Strasser qui était
là) : « Je demande que ce petit bourgeois d'Adolf Hitler soit expulsé du Parti
nazi ! »
Le jeune et bouillant Gœbbels avait fait du chemin depuis le
jour où, trois ans auparavant, il était tombé sous le charme d'Hitler : telle
dut être du moins l'opinion de Gregor Strasser.
« A cet instant, je naquis une nouvelle fois ! » disait Gœbbels,
évoquant ses impressions lorsqu'il entendit pour la première fois Hitler
parler, au Cirque Krone, à Munich, en juin 1922. « Je savais maintenant quelle
route suivre... C'était un ordre! » Il était encore plus enthousiaste à propos
du comportement d'Hitler lors du procès des responsables du putsch de Munich.
Une fois le verdict rendu, Gœbbels écrivit au Führer :
Comme une étoile qui se lève, vous êtes apparu devant nos
yeux émerveillés, vous avez accompli des miracles pour nous éclairer et, dans
un monde de scepticisme et de désespoir, vous nous avez donné la foi. Vous vous
dressiez au-dessus des masses, vibrant de foi et sûr de l'avenir, possédé par
la volonté de libérer ces masses grâce à votre amour sans limite pour tous ceux
qui croient au Nouveau Reich. Dès le premier jour, nous avons vu le spectacle
d'un homme qui arrachait leur masque aux visages tordus par la cupidité, aux visages
de parlementaires médiocres...
En face du tribunal de Munich, vous avez grandi à nos yeux
jusqu'à prendre les nobles proportions du Führer. Ce que vous avez dit, ce sont
les plus belles paroles qu'on ait prononcées en Allemagne depuis Bismarck. Vous
avez exprimé plus que votre propre souffrance... Vous avez exprimé le besoin de
toute une génération, confusément en quête d'hommes et de mission. Ce que vous
avez dit constitue le catéchisme de la nouvelle politique, née du désespoir
d'un monde sans Dieu qui s'effondre... Nous vous remercions. Un jour,
l'Allemagne vous remerciera...
Mais voilà maintenant qu'un an et demi plus tard l'idole de
Gœbbels s'était effondrée. Hitler était devenu un « petit bourgeois », tout
juste bon à être chassé du parti. Ley et Feder ayant
été les seuls à voter contre, le congrès de Hanovre adopta le nouveau programme
présenté par Strasser et approuva la décision de s'unir aux marxistes dans la
campagne en faveur du référendum sur la confiscation des biens des anciens rois
et princes d'Allemagne.
Hitler attendit et, le 14 février 1926, riposta. Il convoqua un
conseil des dirigeants nazis à Bamberg, en Allemagne du Sud, choisissant
habilement un jour de semaine, ce qui ne permettait pas facilement aux
dirigeants du Nord de quitter leur travail. En fait, Gregor Strasser et Gœbbels
furent les seuls à pouvoir s'y rendre. Ils se trouvèrent en minorité parmi les
dirigeants nazis de l'Allemagne du Sud, tous choisis par Hitler. Et, sur
l'insistance du Führer, ils durent capituler et renoncer
à leur programme.
Certains historiens du nazisme, tels que Heiden et Olden, ainsi
que les écrivains non allemands qui n'ont pas été influencés par eux, ont
affirmé qu'à la réunion de Bamberg, Gœbbels abandonna ouvertement Strasser et
se rangea aux côtés d'Hitler. Mais le journal de Gœbbels, découvert après que
Heiden et Olden eussent écrit leurs livres, révèle qu'il ne trahit pas Strasser
de façon aussi brutale. Il montre que Gœbbels, tout en faisant, comme Strasser,
sa soumission à Hitler, estimait que celui-ci avait tout à fait tort et que,
pour l'instant du moins, il n'avait aucunement l'intention de se ranger à ses
côtés. Le 15 février, le lendemain de la réunion de
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