Le Troisième Reich, T1
parvenir, de creuser à son insu le
tombeau de la démocratie allemande et d'ouvrir ainsi, bien malgré lui, la voie
à l'avènement d'Adolf Hitler.
Bruening ne parvint pas à trouver une majorité au Reichstag pour
obtenir certaines mesures de son programme financier. Là-dessus il demanda à
Hindenburg d'invoquer l'article 48 de la Constitution et, en vertu des pouvoirs
exceptionnels qu'il lui conférait, d'approuver son projet financier par un
décret présidentiel. La Chambre répondit en votant une demande de retrait du
décret. Le gouvernement parlementaire s'effondrait au moment où la crise
économique rendait plus nécessaire que jamais la présence d'un gouvernement
fort. Dans une ultime tentative pour sortir de l'impasse, Bruening demanda au
président, en juillet 1930, de dissoudre le Reichstag. De nouvelles élections
furent fixées au 14 septembre. Comment Bruening espérait obtenir par de
nouvelles élections une majorité parlementaire stable, c'est une question à
laquelle on n'a jamais apporté de réponse. Mais Hitler comprit que son heure
était arrivée plus tôt qu'il ne le pensait.
Le peuple allemand, dans cette extrémité, cherchait à sortir de
sa triste situation. Les millions de chômeurs réclamaient du travail. Les
boutiquiers demandaient de l'aide. Quelque 4 millions de jeunes gens qui
avaient atteint l'âge de voter depuis les dernières élections voulaient
l'assurance d'un avenir qui leur donnerait au moins les moyens de vivre. A tous
ces millions de mécontents, Hitler, dans une campagne menée tambour battant,
offrit ce qui leur parut, dans leur désespoir, apporter quelque espérance. Il
redonnerait sa force à l'Allemagne, refuserait de payer les réparations,
répudierait le Traité de Versailles, supprimerait la corruption, réduirait à
merci les grands financiers (surtout s'ils étaient Juifs) et veillerait à ce
que chaque Allemand eût un travail et du pain. Cet appel ne demeura pas sans
effet auprès d'hommes affamés et désespérés en quête non seulement
d'apaisement, mais d'une foi nouvelle et d'un nouveau Dieu.
Bien qu'il nourrît de grands espoirs, Hitler fut surpris dans la
nuit du 14 septembre 1930, quand les résultats commencèrent à arriver. Deux ans
auparavant, son parti avait réuni 810 000 voix et porté 12 de ses membres au
Reichstag. Il avait espéré cette fois quadrupler le nombre des voix nazies et
obtenir peut-être 50 sièges au Parlement. Mais ce jour-là, le N.S.D.A.P.
recueillit 6 409 600 voix, ce qui valut au parti 107 sièges au Reichstag et le
fit passer de neuvième et dernier parti du parlement au rang de second.
A l'autre extrême, les communistes étaient également passés de 3
265 000 voix en 1928 à 4 592 000, et leur représentation au Reichstag avait
augmenté de 64 à 77. Les partis modérés, à l'exception du centre catholique,
perdaient plus d'un million de voix, comme les sociaux-démocrates, malgré
l'arrivée dans le corps électoral de 4 millions de nouveaux votants. Les voix
des nationalistes de Droite de Hugenberg tombèrent de 4 à 2 millions. Il était
clair que les nazis avaient recueilli des millions d'adhérents aux dépens des
autres partis bourgeois. Il était clair également qu'il serait de plus en plus
difficile pour Bruening, ou pour n'importe quel autre, de recueillir une
majorité stable au Reichstag. Et, sans une telle majorité, comment la
République pourrait-elle survivre ?
C'était là une question qui, au lendemain des élections de 1930,
intéressait vivement les deux piliers de la Nation, dont les chefs n'avaient
jamais véritablement accepté la République que comme une infortune provisoire
de l'Histoire allemande : l'armée et le monde des gros industriels et
financiers.
Enhardi par son succès électoral, Hitler s'efforça alors de
gagner à lui ces deux puissants groupes. Bien des années plus tôt, à Vienne, on
l'a vu, il avait appris, par la tactique du maire Karl Lueger, l'importance de
se gagner l'appui des « puissantes institutions existantes ». Un an plus tôt,
le 15 mars 1929, Hitler avait prononcé à Munich un discours dans lequel il
demandait à l'armée de reconsidérer sa position hostile envers le
national-socialisme et son appui à la République.
L'avenir n'appartient pas au parti de la destruction, mais
plutôt aux partis qui portent en eux la force du peuple, qui sont prêts et qui
ne demandent qu'à se lier à cette armée afin de l'aider un jour à défendre
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