Le Troisième Reich, T2
qu’il guidait, un homme et une nation
qui ne reconnurent pas la défaite quand elle était devant leurs yeux et qui
maintenant restaient seuls, virtuellement désarmés, leur île assiégée par le
plus puissant instrument militaire que le monde eût jamais vu.
MANŒUVRES POUR LA PAIX
Dix jours après le début de l’attaque à l’Ouest, le soir où les
chars allemands atteignaient Abbeville, le général Jodl, après avoir noté dans
son journal que le Führer était « fou de joie », ajoutait :
« … Il travaille au traité de paix… L’Angleterre obtiendra une paix
séparée après la restitution des colonies. » C’était le 20 mai. Pendant
les semaines qui suivirent, Hitler ne semble pas avoir douté que, la France
battue, l’Angleterre serait désireuse de faire la paix. Ses conditions, du
point de vue allemand, semblaient des plus généreuses, étant donné la rossée
reçue par l’Angleterre en Norvège et en France. Il les avait exposées au
général von Rundstedt le 24 mai, exprimant son admiration pour l’Empire
britannique et insistant sur la « nécessité » de son existence. Tout
ce qu’il exigeait de Londres, disait-il, était sa liberté d’action sur le
continent.
Il était tellement sûr de l’acceptation anglaise que, même après
la chute de la France, il ne fit aucun plan pour la poursuite de la guerre
contre l’Angleterre, et le vaniteux état-major, qui était censé établir
longtemps à l’avance, avec un soin minutieux, des plans pour chaque éventualité,
ne se souciait pas de lui en fournir. Halder, chef de l’état-major, n’aborde
pas ce sujet dans ses longues notes quotidiennes. La menace russe dans les
Balkans et la Baltique lui causait plus de soucis que les Anglais.
En fait, pourquoi la Grande-Bretagne continuerait-elle de lutter
seule avec de si faibles chances de succès, et alors qu’elle pouvait obtenir
une paix qui la laisserait intacte, entière et libre, au contraire de la France,
de la Pologne et de toutes les autres nations défaites ? C’était une
question qu’on se posait partout, excepté à Downing Street, où, comme Churchill
le révéla plus tard, elle ne fut même jamais discutée, car on considérait que
la réponse était déjà donnée (28).
Mais le dictateur allemand l’ignorait, et quand Churchill
commença à déclarer publiquement que l’Angleterre n’abandonnait pas, Hitler, apparemment,
ne le crut pas, même lorsque, le 4 juin, après l’évacuation de Dunkerque, le
Premier Ministre eut, dans son retentissant discours, affirmé sa détermination
de combattre « sur les collines et sur les grèves » ; même quand,
le 18 juin, après la demande d’armistice de Pétain, Churchill réaffirma
aux Communes « l’inflexible résolution de continuer la guerre » et
quand, dans une autre de ses éloquentes et mémorables péroraisons, il conclut :
Élevons-nous donc à la hauteur de nos devoirs et faisons en
sorte que si l’Empire et le Commonwealth subsistent encore pendant mille ans, les
hommes puissent dire : « Ce fut leur plus belle heure. »
Ces propos auraient pu être simplement la noble envolée d’un
orateur doué, et Hitler, orateur éblouissant lui-même, a dû les juger ainsi. Il
dut y être encouragé aussi par les réactions des capitales neutres et par leurs
appels en vue de cesser la guerre. Le 28 juin, un message confidentiel du
pape à Hitler – des messages analogues furent adressés à Mussolini et à
Churchill – offrait sa médiation pour « une paix juste et honorable »
et déclarait qu’avant d’entreprendre cette action il désirait savoir comment
elle serait accueillie (29). Le roi de Suède s’employa également à proposer la
paix à Londres et à Berlin.
Aux États-Unis, l’ambassade d’Allemagne, sous la direction du
chargé d’affaires Hans Thomsen, faisait tout pour encourager les
isolationnistes et décourager ainsi l’Angleterre de poursuivre la lutte. Les
documents saisis du ministère des Affaires étrangères allemand sont pleins de
messages de Thomsen relatant les efforts de l’ambassade pour faire pencher l’opinion
publique américaine en faveur d’Hitler. Les commissions des partis devaient se
réunir cet été-là, et Thomsen se dépensait pour influencer leur politique
étrangère, en particulier celle des républicains.
Le 12 juin, par exemple, il câbla en code à Berlin qu’un « congressiste
républicain bien connu », qui travaillait
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