Le Troisième Reich, T2
(Huntziger
méprisait trop l’Italie pour la nommer), avançait des demandes similaires, en
aucun cas la France ne s’inclinerait. Elle combattrait à outrance… Il lui était
donc impossible de signer la convention d’armistice des Allemands… »
Le général Jodl, officier en second de l’O. K. W., qui présidait
temporairement à ce moment, ne s’était pas attendu à des paroles aussi
agressives de la part d’un ennemi battu à plate couture ; il répliqua que,
sans pouvoir s’empêcher d’exprimer sa « compréhension » sur ce que
Huntziger avait dit des Italiens, il n’avait pas pouvoir de modifier les
conditions. Tout ce qu’il pouvait faire, dit-il, était de « donner des
explications et éclairer les points obscurs ». Les Français devaient
accepter le protocole d’armistice tel quel ou le refuser en bloc.
Les Allemands avaient été contrariés par le fait que la
délégation française n’eût pas pouvoir de conclure l’armistice sans l’accord
exprès du gouvernement de Bordeaux. Par miracle, et peut-être la chance aidant,
ils réussirent à établir une communication téléphonique entre le vieux
wagon-lit et Bordeaux, à travers les lignes de combat, où la bataille
continuait. Les délégués français furent autorisés à s’en servir pour
transmettre le texte des conditions d’armistice et le discuter avec leur
gouvernement. Le docteur Schmidt, qui servait d’interprète, reçut l’ordre d’intercepter
la conversation dans un camion de transmissions militaires qui se trouvait
quelques mètres plus loin derrière un bouquet d’arbres. Le lendemain, je m’arrangeai
pour écouter l’Allemand rapporter une partie de la conversation entre Huntziger
et le général Weygand.
Au crédit de ce dernier, qui porte une grande part de
responsabilité dans le défaitisme français, la capitulation finale et la
rupture avec l’Angleterre, il faut noter qu’il s’opposa énergiquement à maintes
exigences allemandes. Une des plus odieuses obligeait les Français à livrer au
Reich tous les Allemands anti-nazis réfugiés en France et dans les possessions
françaises. Weygand qualifia cela de déshonorant, eu égard à la tradition
française du droit d’asile, mais quand on discuta cette clause le lendemain l’arrogant
Keitel ne voulut pas entendre parler de sa suppression. « Les émigrés
allemands, s’écria-t-il, étaient les pires des mercenaires ». Ils avaient « trahi
leur propre pays ».
Ils devaient être livrés « à tout prix ». Les Français
n’élevèrent aucune protestation contre une clause stipulant que tous leurs
nationaux qui combattraient avec un autre pays contre l’Allemagne seraient
traités en « franc-tireurs » – c’est-à-dire fusillés immédiatement. Cela
était dirigé contre de Gaulle, qui essayait déjà d’organiser une Force
Française Libre en Angleterre, et Weygand et Keitel savaient que c’était une
pure violation des règles élémentaires de la guerre. Les Français ne
discutèrent pas davantage un paragraphe qui stipulait que tous les prisonniers
de guerre resteraient en captivité jusqu’à la conclusion de la paix. Weygand
était sûr que l’Angleterre serait conquise en trois semaines et les P. G. français
par conséquent relâchés. Il condamna ainsi un million et demi de Français à
rester dans les camps de prisonniers pendant cinq ans.
Le point le plus litigieux de la convention d’armistice fut le
sort réservé à la marine française. Churchill, quand la France chancelait, avait
offert de la relever de son serment de ne pas faire une paix séparée, si la
marine française recevait l’ordre de se rendre dans les ports britanniques. Hitler
était bien déterminé à l’en empêcher ; il réalisait pleinement, comme il
le dit à Mussolini le 18 juin, que l’Angleterre en serait renforcée de
façon impressionnante. Pour un enjeu d’une telle valeur, il devait faire une
concession ou au moins une promesse à l’ennemi battu.
La convention d’armistice stipulait que la flotte française
serait démobilisée et désarmée, et les bateaux immobilisés dans leurs ports. En
retour de quoi
le gouvernement allemand déclare solennellement au
gouvernement français qu’il n’a pas l’intention d’utiliser pour ses propres
objectifs de guerre la flotte française qui est dans les ports sous contrôle
allemand. Bien plus, il déclare solennellement et expressément qu’il n’a pas
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