Le Troisième Reich, T2
d’un peuple
aussi facile à duper que les Allemands, elle ne suscita aucun mauvais sentiment
à l’égard des Anglais au cours de la journée. En passant devant l’ambassade de
Grande-Bretagne, d’où Henderson et son personnel étaient en train de déménager
pour gagner l’Hôtel Adlon , situé à deux pas, j’aperçus un schupo (agent
de police) solitaire qui faisait les cent pas devant l’immeuble. Il n’avait
rien d’autre à faire que de se promener de long en large.
Les Français tinrent bon un peu plus longtemps. Bonnet chercha à
gagner du temps jusqu’au dernier moment, se raccrochant obstinément à l’espoir
que Mussolini pouvait encore imaginer quelque tractation qui permît à la France
de s’en sortir. Il avait même supplié l’ambassadeur de Belgique d’obtenir que
le roi Léopold usât de son crédit auprès de Mussolini pour influencer Hitler. Toute
la journée du samedi 2 septembre, il avait prétendu, devant les membres de
son cabinet, comme il l’avait fait vis-à-vis des Anglais, qu’il avait « promis »
à Ciano d’attendre la réponse allemande jusqu’au 3 septembre à midi, et qu’il
ne pouvait revenir sur sa parole.
Il avait, c’est sûr, donné téléphoniquement cette assurance au
ministre des Affaires étrangères italien – mais le délai en expirait à neuf
heures du soir, le 2 septembre. A cette heure, la proposition du Duce en
faveur d’une conférence était morte et enterrée, ainsi que Ciano s’était
évertué à le lui préciser. A cette heure aussi, les Anglais le suppliaient de
présenter à minuit un ultimatum commun à Berlin.
C’est peu avant minuit le 2 septembre que le gouvernement
français parvint enfin à se décider. A minuit précis, Bonnet télégraphia à
Coulondre pour le prévenir qu’il allait lui faire parvenir les conditions d’une nouvelle démarche qu’il lui demandait d’effectuer à « midi auprès
de la Wilhelmstrasse [15] ».
Cette démarche, l’ambassadeur l’entreprit le dimanche 3 septembre
à dix heures vingt du matin – soit quarante minutes avant l’expiration de l’ultimatum
britannique. L’ultimatum français était formulé d’une façon identique, sauf qu’en
cas de réponse négative la France déclarait qu’elle remplirait ses obligations
envers la Pologne « qui sont connues du gouvernement allemand » – même
en cette ultime conjoncture, Bonnet s’opposait à une déclaration de guerre
formelle.
Dans le Livre Jaune Français, le texte de l’ultimatum français
télégraphié à Coulondre fixe à dix-sept heures la fin du délai accordé à la
réponse allemande. Mais ce n’était pas l’heure inscrite dans le télégramme
original. A huit heures quarante-cinq du matin, l’ambassadeur Phipps avait, de
Paris, notifié à Halifax : « Bonnet me dit que le délai français n’expirera
que lundi matin (4 septembre) à cinq heures. » C’était là l’heure qui
figurait dans le télégramme de Bonnet.
Bien que cela représentât une concession arrachée le dimanche
matin de bonne heure par Daladier à l’état-major général
français, qui avait exigé un délai de quarante-huit heures à compter de l’heure
(midi) à laquelle l’ultimatum serait remis à Berlin, l’irritation du
gouvernement britannique n’en fut pas pour autant apaisée : son
mécontentement fut communiqué à Paris en termes non équivoques en fin de
matinée. Le président Daladier adressa donc un nouvel appel aux militaires. Il
convoqua le général Colson, de l’état-major général, à onze heures trente, pour
le presser d’abréger le délai. Le général accepta à contrecœur de décaler
celui-ci de douze heures et d’en fixer l’expiration au 3 septembre à
dix-sept heures.
C’est ainsi qu’au moment où Coulondre s’apprêtait à quitter l’ambassade
de France à Berlin pour la Wilhelmstrasse, Bonnet l’appela
au téléphone pour lui enjoindre d’apporter la modification nécessaire à l’heure
H (34).
Ribbentrop n’était pas en mesure de recevoir, à midi, l’ambassadeur
de France, car il participait à une petite cérémonie à la Chancellerie où le
nouvel ambassadeur des Soviets, Alexandre Shkvarzev, était chaleureusement
accueilli par le Führer – coïncidence qui apporta une note
bizarre à ce dimanche historique. Coulondre n’en tint pas moins à se présenter
à la Wilhelmstrasse à midi précis ; il fut donc reçu
par Weizsaecker. Comme l’ambassadeur lui
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