Le Troisième Reich, T2
l’ultimatum, – Dahlerus entra une fois de plus en
communication avec le Foreign Office, pour suggérer cette fois que Gœring, avec
l’assentiment d’Hitler, prît immédiatement l’avion pour la capitale anglaise. Il
ne se rendait pas compte que le temps des bouffonneries diplomatiques était
passé, mais on le lui fit bientôt comprendre en lui transmettant une réponse
intransigeante d’Halifax. Sa proposition était « irrecevable ». Une
question nette avait été posée au gouvernement allemand, « lequel
enverrait sans doute une réponse aussi nette ». Le gouvernement de Sa
Majesté ne pouvait attendre de discuter encore avec Gœring (32).
Là-dessus, Dahlerus raccrocha le téléphone et disparut dans les
limbes de l’histoire, avant d’en émerger, peu de temps après la guerre, à
Nuremberg – et dans son livre – pour raconter l’étrange tentative à laquelle il
s’était livré pour sauver la paix [12] .
Ses intentions étaient bonnes, il avait sincèrement lutté
pour la paix : pendant quelque temps, il s’était trouvé au centre de la
scène éblouissante où se joue l’Histoire du monde. Mais, comme ce fut le cas de
chacun de nous ou presque, la confusion avait été telle que les contours ne lui
étaient pas apparus, et, comme il devait le reconnaître à Nuremberg, il n’avait
à aucun moment mesuré à quel point il s’était laissé berner par les Allemands.
Peu après onze heures, à l’expiration du délai fixé par l’ultimatum
britannique, Ribbentrop, qui, deux heures plus tôt, avait refusé de rencontrer
l’ambassadeur de Grande-Bretagne, le convoqua pour lui remettre la réponse
allemande. Le gouvernement allemand, disait celle-ci, ne consentait pas « à
recevoir ni, à accepter des demandes sous forme d’ultimatum de la part du
gouvernement britannique, et encore moins à s’y plier ». Suivit alors une
longue déclaration qui reprenait tous les poncifs de la propagande nazie et
semblait avoir été hâtivement rédigée par Hitler et Ribbentrop pendant les deux
heures qui venaient de s’écouler.
Conçue pour abuser le peuple allemand si facile à abuser, elle
se contentait de reprendre tous les mensonges qui nous sont devenus familiers, y
compris celui sur les « attaques » polonaises en territoire allemand,
rejetait sur la Grande-Bretagne la responsabilité de tout ce qui était arrivé
et repoussait les tentatives pour « forcer l’Allemagne à retirer les
troupes mises en ligne pour la protection du Reich ». Elle affirmait, au
mépris de la vérité, que l’Allemagne avait accepté les propositions de paix
faites par Mussolini à la onzième heure et soulignait que la Grande-Bretagne
les avait rejetées. Et, après tous les gages d’apaisement qu’avait donnés
Chamberlain à Hitler, elle accusait le gouvernement britannique de « prêcher
la destruction et l’extermination du peuple allemand [13] ».
Henderson prit connaissance du document, « cette image
complètement fausse des événements », ainsi qu’il le qualifia plus tard, et
fit observer « que l’histoire jugerait de quel côté étaient réellement les
responsabilités ». Ce à quoi Ribbentrop rétorqua que « l’histoire
avait déjà apporté la preuve des faits ».
Je me trouvais dans la Wilhelmstrasse devant la Chancellerie
lorsque, vers midi, les haut-parleurs se mirent soudain à annoncer que la
Grande-Bretagne venait de se déclarer en état de guerre avec l’Allemagne [14] .
250 personnes – pas plus – étaient là, debout, au soleil. Elles écoutèrent
attentivement la proclamation. Pas un murmure ne s’éleva après l’annonce. Les
gens demeurèrent figés. Abasourdis. Il leur était difficile de comprendre qu’Hitler
les avait menés à la guerre mondiale.
Bientôt, quoique ce fût dimanche, les petits vendeurs de
journaux se mirent à crier leurs éditions spéciales. En fait, remarquai-je, ils
distribuaient leurs exemplaires. J’en pris un. C’était la Deutsche
Allgemeine Zeitung . De gros titres s’alignaient sur la première page.
REJET DE L’ULTIMATUM
BRITANNIQUE
L’ANGLETERRE SE DECLARE
EN ETAT
DE GUERRE AVEC L’ALLEMAGNE
LA NOTE BRITANNIQUE EXIGE
LE RETRAIT
DE NOS TROUPES A L’EST
DEPART DU FÜHRER POUR LE
FRONT AUJOURD’HUI
Le titre du compte rendu officiel semblait avoir été dicté par
Ribbentrop :
LE MEMORANDUM
ALLEMAND PROUVE
LA CULPABILITE DE L’ANGLETERRE
Si « prouvée » qu’elle pût l’être aux yeux
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