Le Troisième Reich, T2
demandait si ses pouvoirs de
secrétaire d’Etat l’habilitaient à donner une réponse « satisfaisante »
aux Français, Weizsaecker répondit qu’il ne pouvait lui donner « aucune
sorte de réponse ».
Suivit alors, en cet instant solennel, une petite comédie
diplomatique. Lorsque Coulondre voulut considérer la phrase de Weizsaecker
comme la réponse négative à laquelle il s’attendait et, en conséquence, remettre
l’ultimatum de la France au secrétaire d’État, ce dernier se refusa à l’accepter.
Il pria l’ambassadeur « de bien vouloir patienter encore un peu afin de
rencontrer le ministre des Affaires étrangères en personne ». Après une
telle rebuffade – qui n’était pas la première – Coulondre fit le pied de grue
pendant près d’une demi-heure. A midi et demi, on le conduisit à la
Chancellerie auprès de Ribbentrop (35).
Bien que le ministre des Affaires étrangères nazi fût parfaitement
au courant de la mission de l’ambassadeur, il ne put laisser échapper cette
ultime occasion de régaler l’émissaire français d’une de ses classiques
falsifications historiques. Après avoir fait observer que Mussolini, en
présentant sa proposition de paix de dernière minute, avait souligné qu’elle
avait l’approbation de la France, Ribbentrop déclara que « l’Allemagne
avait, la veille, informé le Duce qu’elle était également prête à accepter sa
proposition ». Plus tard dans la journée, poursuivit Ribbentrop, « le
Duce nous a fait savoir que les perspectives de compromis avaient échoué en
raison de l’intransigeance britannique ».
Mais son expérience des derniers mois avait suffisamment édifié
Coulondre sur les mensonges de Ribbentrop. Après avoir écouté quelque temps
encore le ministre nazi qui avait enchaîné en disant qu’il regretterait que la
France suive l’exemple de la Grande-Bretagne et que l’Allemagne n’avait aucune
intention d’attaquer la France, l’ambassadeur réussit à glisser la question qu’il
était venu poser : les propos du ministre des Affaires étrangères
signifiaient-ils que la réponse du gouvernement allemand à la communication
française du 1er septembre était négative ?
« Ya », répondit Ribbentrop.
L’ambassadeur remit alors au ministre du Reich l’ultimatum
français, en faisant remarquer que, « pour la dernière fois », il se
voyait contraint d’insister sur « la lourde responsabilité qu’assumait le
gouvernement du Reich » en engageant « sans déclaration de guerre »
les hostilités contre la Pologne et en ne donnant pas suite à la suggestion
anglo-française de retirer ses forces du territoire polonais.
« Eh bien, déclara Ribbentrop, ce sera la France qui sera l’agresseur.
— L’histoire en jugera », répondit Coulondre.
A Berlin, ce dimanche-là, tous les protagonistes de l’acte final
du drame tenaient, semble-t-il, à en appeler au jugement de l’histoire.
Bien que la France fût en train de mobiliser une armée dont la
supériorité sur les forces allemandes de l’Ouest devait être écrasante, du
moins pour l’instant, c’est la Grande-Bretagne, dont l’armée était alors
négligeable, qui hantait l’esprit fiévreux d’Hitler comme l’ennemi n° 1. Il
lui attribuait la responsabilité quasi totale de la mauvaise passe où il se
trouvait, alors que le 3 septembre 1939 commençait de décliner avant d’entrer
dans l’histoire. Cet état d’esprit transparut clairement dans les deux
grandioses proclamations qu’il adressa, dans l’après-midi, au peuple allemand
et à l’armée de l’Ouest. Son âpre ressentiment et sa colère hystérique à l’encontre
des Anglais se donnèrent alors libre cours.
L’Angleterre (dit-il dans son « Appel au Peuple
allemand ») a pendant des siècles, poursuivi le but de rendre impuissants
les peuples européens devant sa politique de conquête du monde… Elle a toujours
revendiqué le droit d’attaquer et d’anéantir sous des prétextes fallacieux l’Etat
européen qui lui paraît le plus dangereux pour le moment.
Nous avons été témoins de cette lutte d’encerclement
poursuivie par l’Angleterre avant la guerre… Les excitateurs britanniques à la
guerre… ont opprimé le peuple allemand sous le joug du diktat de Versailles…
Soldats de l’armée de l’Ouest ! (dit Hitler dans un
appel à des troupes qui des semaines durant n’eurent à affronter que l’armée
française)
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