Le Troisième Reich, T2
du
gouvernement de Vichy, de prévenir la manœuvre en occupant elle-même ce
territoire d’importance stratégique considérable.
Si nous en croyons l’amiral, le Führer se rangea à ses
conclusions « prises dans leur ensemble », mais tenait à en discuter
tout d’abord avec Mussolini, Franco et Pétain (39), ce qu’il fit, non sans
avoir tergiversé et perdu beaucoup de temps.
Il rencontra le dictateur espagnol le 23 octobre ; le
maréchal Pétain (devenu chef du gouvernement collaborationniste de Vichy) le
lendemain ; le Duce, quelques jours plus tard.
Franco, triomphateur de la guerre civile espagnole grâce à l’appui
massif de l’Axe, témoignait, comme tous les dictateurs, d’un appétit immodéré
pour les dépouilles des vaincus, surtout s’il pouvait les obtenir à bas prix. En
juin 1940, à l’heure de l’écroulement de la France, il s’était hâté d’offrir à
l’Allemagne l’entrée en guerre de l’Espagne à ses côtés en échange de la
presque totalité du vaste territoire africain appartenant à la France y compris
le Maroc et l’Oranie, plus de généreuses fournitures d’armes, de carburant et
de vivres (40).
Aujourd’hui, l’occasion s’offrait de reprendre le marchandage. C’est
dans cette intention que le Führer débarqua le 23 octobre
de son train spécial à Hendaye, ville frontière franco-espagnole. Une première
déconvenue l’y attendait.
Beaucoup de choses s’étaient passées depuis juin 1940, pour ne
parler que de la vigoureuse résistance de l’Angleterre. Le roué Espagnol ne se
laissa pas abuser le moins du monde par le bluff de son visiteur à propos de la
« défaite définitivement consommée de l’Angleterre ». Sa promesse de
faire don à l’Espagne, en Afrique du Nord, de « compensations
territoriales » dans la mesure où il serait possible de contrebalancer les
pertes françaises « par la cession de territoires britanniques d’outre-mer »
ne le satisfit pas non plus.
Il voulait l’Afrique française sans conditions restrictives :
et d’une. Hitler souhaitait l’entrée en guerre de l’Espagne dès le mois de
janvier, c’est-à-dire presque immédiate. Franco s’y refusa, alléguant le danger
d’une action aussi précipitée : et de deux. Hitler insista. Les Espagnols
pourraient au moins attaquer Gibraltar le 10 janvier. L’Allemagne leur
apporterait l’assistance d’unités de la Luftwaffe spécialistes des offensives
aériennes, ayant à leur actif la prise du fort belge d’Eben-Emael.
« Il appartient aux Espagnols seuls de s’emparer de
Gibraltar ! » riposta l’orgueilleux Caudillo.
Et de trois.
« Les deux dictateurs bataillèrent ainsi pendant neuf
heures », relate l’immanquable témoin, le toujours présent Doktor Schmidt,
qui ajouta :
« Tandis que Franco déversait un flot de paroles du même
ton chantant et monotone, l’exaspération du Führer croissait
de minute en minute. A la fin, il bondit sur ses pieds, hors de lui, comme cela
lui était déjà arrivé en face de Chamberlain, et cria qu’il était inutile de
poursuivre l’entretien (41). » « Plutôt que de passer par là une
seconde fois, je préférerais me faire arracher quatre dents ! »
dit-il à Mussolini en lui contant son épuisante entrevue avec le Caudillo (42).
Au bout de ces neuf heures auxquelles s’ajoute la durée du dîner
offert par Hitler dans son wagon-salle à manger personnel, les pourparlers
cessèrent sans que Franco se fût définitivement engagé à faire la guerre à l’Angleterre.
Ribbentrop continua seul à palabrer avec Serrano Suner, le ministre des
Affaires étrangères espagnol, pour essayer d’amener l’Espagne à signer tout de
même quelque chose, au moins l’engagement de chasser les Anglais de Gibraltar
et de leur fermer l’accès de la Méditerranée occidentale. Ce fut en pure perte.
« Le pleutre ! L’ingrat ! Fulmina Ribbentrop
le lendemain matin. Ce lâche qui nous doit tout ose refuser de faire la guerre
avec nous (43). »
L’entrevue du lendemain avec Pétain, à Montoire, fut plus
satisfaisante. Le maréchal octogénaire, vainqueur de Verdun dans la première
guerre mondiale, défaitiste et artisan de la capitulation de la France dans la
seconde, accepta de collaborer au dernier effort de son conquérant pour faire
mordre la poussière à l’Angleterre, l’alliée d’hier. Il consentit même à
coucher par écrit les termes de l’odieux marché.
« Les
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