Le Troisième Reich, T2
puissances de l’Axe et la France, lisons-nous, ont un
intérêt identique à voir se consommer le plus tôt possible la défaite de l’Angleterre.
En conséquence, le gouvernement français soutiendra, dans la limite de ses
possibilités, les mesures que les puissances de l’Axe seraient amenées à
prendre à cet effet (44). »
En retour de cet acte de trahison, Hitler promit à la France de
lui assurer dans la Nouvelle Europe la place qui lui revenait de droit
et, en compensation de la perte des territoires français d’Afrique du Nord qu’elle
se verrait contrainte d’abandonner, la cession de territoires britanniques d’Outre-Mer.
Les deux signataires s’engageaient à garder leur accord rigoureusement
secret [102] .
Malgré les concessions déshonorantes, mais de première
importance, arrachées au maréchal Pétain, Hitler ne se tint pas pour satisfait.
Il aurait voulu davantage ; en fait, rien de moins que la participation
active de la France aux hostilités contre l’Angleterre. Tout au long du trajet
de Montoire à Munich, nous apprend Schmidt, il se montra
mécontent et déçu du résultat de ses deux premières entrevues. La troisième, avec
Mussolini, au matin du 28 octobre, le déprima bien plus encore.
Une rencontre des deux complices avait déjà eu lieu le 4 octobre
au col du Brenner. Comme toujours, Hitler avait discouru
surabondamment et entrepris, à l’adresse du Duce, un vertigineux tour d’horizon [103] ,
dans lequel il s’était bien gardé de faire mention de ses envois de troupes en
Roumanie, territoire convoité par l’Italie. Lorsque le Duce l’apprit, quelques
jours plus tard, il en éprouva une violente indignation.
« Hitler me place toujours devant le fait accompli, dit-il,
outré, à Ciano, mais, cette fois, je vais lui rendre la monnaie de sa pièce. C’est
par la presse qu’il apprendra notre occupation de la Grèce. Nous serons quittes
(45).
Les convoitises balkaniques du Duce étaient aussi féroces que
celles du Führer, d’où le danger d’un choc. A telle
enseigne que, dès la mi-août, Berlin enjoignait à Rome de s’abstenir de toute
entreprise en Yougoslavie et en Grèce. « Cela équivaut à un ordre de faire
halte sur toute la ligne », note Ciano le 17 août. Mussolini renonça
– momentanément – à ses ambitions guerrières dans les Balkans et en donna par
écrit l’humble assurance à son partenaire. Néanmoins, la perspective d’une
rapide et facile conquête de la Grèce, compensatrice jusqu’à un certain point
des étincelantes victoires allemandes, s’avéra irrésistiblement tentante pour
le vaniteux César fasciste. Calcul chimérique, certes, mais il s’en aperçut
trop tard.
Il fixa au 28 octobre la date de l’agression italienne
contre la Grèce et, le 22, dans une lettre antidatée du 19, laissa entendre au Führer qu’une action se préparait, mais sans en préciser la
nature exacte ni l’heure de l’exécution. Il craignait, nous apprend Ciano, que
le Führer ne lui « donnât ordre » de rester
tranquille.
Alors qu’ils revenaient de France, chacun par son train spécial,
Hitler et Ribbentrop eurent vent des projets de Mussolini. Sur l’ordre du Führer, le ministre des Affaires étrangères fit halte à la
première station allemande et, par téléphone, alerta Ciano. Une
rencontre immédiate s’imposait entre les deux dictateurs, avait décrété Hitler.
Mussolini en fixa lui-même le lieu : Florence ; la date : 28 octobre.
Lorsque son visiteur allemand descendit du train, il l’accueillit, le menton en
bataille et l’œil brillant.
« Führer ! S’exclama-t-il, l’Italie est en marche !
Ce matin même à l’aube, ses troupes victorieuses ont franchi la frontière
albano-grecque (46) ! »
Mussolini jubilait visiblement de sa revanche sur le dictateur
nazi qui, lui, ne s’était certes pas fait faute d’envahir un pays après l’autre
sans prendre, au préalable, l’avis de son partenaire.
Hitler eut peine à contenir sa fureur, relate Schmidt. Cette action irréfléchie contre un adversaire de taille, cela au pire
moment de l’année, menaçait de chambarder toute la situation balkanique. Le Führer, accouru en toute hâte dans l’espoir de la conjurer, arrivait
trop tard…
« Le Führer reprit le soir même la route du nord, l’âme
remplie d’amertume, écrira plus tard Schmidt, et les années suivantes, pendant
les longues soirées d’hiver, le rappel de ces harassants
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