Le Troisième Reich, T2
voyages le ramenait
encore et encore au thème amer de l’ingratitude, de la déloyauté de ses
partenaires et de la perfidie des Français (47). »
Par quel moyen venir à bout de l’Angleterre, à présent que son
invasion par la Manche s’avérait impossible ? La nécessité d’agir s’imposait,
plus urgente encore de par le fiasco italien en Grèce. En l’espace d’une
semaine, le « victorieux assaut » de Mussolini tournait en déroute.
Le 4 novembre, Hitler réunit en conférence extraordinaire, à
la Chancellerie de Berlin, Brauchitsch et Halder, chefs de
l’état-major général ; Keitel et Jodl, de l’O. K. W. Grâce aux carnets d’Halder et à une copie du rapport de Jodl à l’état-major de la Kriegsmarine, saisie ultérieurement, nous connaissons les
décisions prises par le dictateur le 12 novembre et contenues dans la
directive n° 18, dont le texte original appartient aux archives de
Nuremberg (48). L’influence de l’amiral Raeder sur la stratégie du Führer y est évidente, de même que la nécessité de prendre des
mesures énergiques à l’endroit de l’allié italien défaillant.
Le Führer « manque de confiance »
dans les capacités de commandement des Italiens, note Halder au
passage. En conséquence, il fut décidé de ne pas envoyer de troupes allemandes
en Libye jusqu’à ce que l’armée du maréchal Rodolfo Graziani ait atteint Mersa
Matrouh, vraisemblablement aux alentours de Noël, « si tant est qu’elle y
parvienne ». Après s’être avancée de 96 kilomètres dans le désert, elle
avait atteint Sidi Barrani en septembre. Il lui restait donc à parcourir encore
120 kilomètres le long de la côte.
Entre-temps, Hitler décida d’envoyer quelques bombardiers
attaquer en piqué la flotte britannique d’Alexandrie et larguer des mines
sous-marines dans le canal de Suez. Quant à l’agression italienne de la Grèce, Hitler
la qualifia de « déplorable bévue » susceptible de compromettre
gravement la position de l’Allemagne dans les Balkans.
Les bases aériennes établies par les Anglais dans les îles de
Crète et de Lemnos y ajoutaient la menace d’un facile bombardement des zones
pétrolières de Roumanie et d’un débarquement de troupes aéroportées sur le continent
grec. Afin d’y parer, Hitler donna ordre d’établir séance tenante un plan d’invasion
de la Grèce, via la Bulgarie, par une force armée d’au moins 10 divisions
envoyées tout d’abord en Roumanie. « Il est à prévoir, dit-il, que la
Russie demeurera neutre. »
En réalité, l’ensemble de la conférence du 4 novembre et de
la directive qui s’ensuivit eut pour objet primordial la destruction de la
puissance britannique en Méditerranée occidentale.
« Gibraltar sera prise et le Détroit bloqué (directive
n° 18). Les Britanniques seront empêchés de prendre pied sur un autre
point de la Péninsule Ibérique ou des îles de l’Atlantique. »
L’opération embrassant la prise de Gibraltar, de l’archipel
espagnol des Canaries et des îles portugaises du Cap-Vert fut baptisée Félix .
L’opération Isabelle , mise en même temps à l’étude par la Kriegsmarine, regardait
l’occupation de Madère et des Açores, peut-être du Portugal lui-même.
Trois divisions assemblées à la frontière hispano-portugaise
seraient chargées de son exécution. Finalement, un certain nombre d’unités de
la marine et de l’armée françaises seraient remises en activité pour assurer la
défense des possessions françaises d’Afrique du Nord contre les forces
britanniques et gaullistes.
« De ce point de départ, commente Hitler, la France
pourra étendre sa participation plénière à notre combat contre l’Angleterre. »
Dans ses nouveaux plans, exposés aux états-majors le 4 novembre
et consignés une semaine plus tard dans la directive 18, Hitler s’étend sur une
quantité de détails d’ordre tactique et stratégique, en particulier ceux ayant
trait à la prise de Gibraltar en un seul coup de main hardi. Les généraux se
laissèrent impressionner, dirait-on, par le caractère à la fois audacieux et
froidement calculé de l’opération Félix .
En réalité, elle consistait en demi-mesures incapables d’aboutir
au résultat escompté, parce que construites en partie sur de faux calculs et, par-dessus
tout, sur les mensonges d’Hitler à ses propres chefs militaires. Ne leur
assura-t-il pas, rapporte Halder, avoir reçu de Franco le
Weitere Kostenlose Bücher