Le Troisième Reich, T2
moins en moins disposés à provoquer l’intervention américaine. En
revanche, le Duce s’en montre satisfait. »
Dans la nuit du 4 au 5 décembre, Ribbentrop obtint enfin du
Führer le signal attendu, et, à trois heures du matin, soumettait au général
Oshima un projet de traité par lequel l’Allemagne s’engageait, le cas échéant, à
entamer les hostilités contre les États-Unis, conjointement avec le Japon et à
ne pas négocier de paix séparée. D’autre part, ayant fait le fatal plongeon et
abandonné la ligne de conduite opiniâtrement suivie pendant deux ans, Hitler
tenait à présent à ce que son alliée – l’Italie – le suivît sans tarder.
« Nuit troublée par l’agitation de Ribbentrop, note
Ciano le 5 décembre dans son journal. Après avoir tergiversé pendant trois
jours, il veut envoyer sa réponse au Japon sans perdre une minute et, à trois
heures du matin, dépêche à mon domicile l’ambassadeur Mackensen, chargé de me
soumettre un texte de l’accord tripartite en suspens. L’ambassadeur voulait que
je réveille le Duce ; je m’y suis refusé et celui-ci m’en a su gré. »
Cependant, le traité proposé par le Japon, approuvé par Hitler
et Mussolini, n’était pas encore signé et Tojo s’en alarmait. Il soupçonnait
Hitler de vouloir créer un quiproquo et, en échange de sa déclaration de guerre
à l’Amérique, d’exiger du Japon sa belligérance contre la Russie. Prenant les
devants, le ministre des Affaires étrangères nippon avait donné le 30 novembre
au général Oshima ses instructions regardant la façon d’aborder cet épineux
problème.
« S’ils (Führer et Duce) soulèvent la question de
notre attitude à l’égard de l’Union Soviétique, répondez que nous l’avons déjà
exposée dans notre déclaration de juillet dernier. Dites aussi que l’orientation
présente de nos projets n’entraîne nullement un relâchement à l’égard de l’U. R.
S. S. et que si celle-ci, de concert avec la Grande-Bretagne et l’Amérique, manifeste
de l’agressivité, nous sommes prêts à riposter avec toute notre puissance. Pour
l’instant, nos intérêts s’orientent du côté méridional et nous préférons éviter
une action directe au nord (36). »
Vint le 6 décembre, marqué par la contre-offensive de
Joukov devant Moscou et la retraite précipitée des armées allemandes à travers
la neige, et par un froid exceptionnellement rigoureux. Raison de plus pour
Hitler de jouer la carte du quiproquo. Cette menace soulevait un sérieux
malaise à Tokyo. Jusque-là, par miracle, l’escadre japonaise de porte-avions n’avait
pas été repérée par les bâtiments ni par les avions américains, mais cela
risquait de se produire d’une minute à l’autre.
Un long message de Tojo dépêcha le dimanche 7 décembre, à
une heure de l’après-midi, Homura et Kurusu auprès de Cordell Hull pour lui
présenter le rejet des dernières propositions américaines et lui notifier la
rupture de facto des négociations. A la dernière minute, Tokyo pressa d’autre
part Berlin d’apposer sa signature sur le traité garantissant au Japon l’appui
de l’Allemagne. Même à cet instant crucial, la méfiance des Japonais à l’égard
des Allemands les retint de les informer du coup qu’ils se préparaient à
assener aux États-Unis le lendemain. Ils craignaient de plus en plus qu’Hitler
ne refusât de signer sa garantie autrement qu’en échange d’une déclaration de
guerre à la Russie.
En désespoir de cause, Tojo expédia à Oshima un ultime message
lui recommandant d’éluder la question le plus longtemps possible et de ne céder
qu’en cas de nécessité absolue. Pour abusés qu’ils fussent à l’égard de la
puissance américaine et britannique, les généraux japonais possédaient assez de
sens commun pour se rendre compte de l’impossibilité de combattre simultanément
un troisième ennemi, même avec l’appui allemand. Les instructions de Tojo à
Oshima, décodées par les experts du chiffre déjà mentionnés, nous offrent un
intéressant aperçu de la diplomatie nippone vis-à-vis du Reich à cette onzième
heure du samedi 6 décembre.
« Jusqu’à ce que les conditions stratégiques le
permettent, nous tenons à éviter… un conflit armé avec la Russie. Faites
comprendre au gouvernement allemand cette position, et négociez avec lui afin d’obtenir
qu’il n’exige pas – tout au moins pour le moment – un
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