Le Troisième Reich, T2
sur les i.
« Au cas où le conflit s’étendrait aux pays qui apportent
actuellement leur aide à la Grande-Bretagne, quelle serait l’attitude de l’Allemagne ? »
demanda-t-il.
Pour une fois Ribbentrop répondit avec clarté :
« Si le Japon déclare la guerre aux États-Unis, l’Allemagne
fera de même instantanément. En de telles circonstances, il ne peut être
question pour elle de négocier une paix séparée. Le Führer est formel sur ce
point (33). »
Le gouvernement japonais recevait enfin la garantie attendue. Il
ne restait plus qu’à la consigner noir sur blanc. Le 29 novembre, Oshima, plein
d’allégresse, fit part à Tokyo de la résolution d’Hitler et, le lendemain, il
recevait cette réponse : « Les pourparlers de Washington sont
définitivement rompus. » Les instructions suivantes y étaient jointes :
« Que Votre Excellence veuille immédiatement exposer
confidentiellement au chancelier Hitler et au ministre des Affaires étrangères,
Herr Ribbentrop, l’essentiel des événements en cours. Dites-leur que l’Angleterre
et l’Amérique ont manifesté toutes deux une attitude hostile et provocante ;
qu’elles se préparent à concentrer des forces militaires en différents
territoires de l’Est asiatique et que nous nous trouverons inévitablement
amenés à prendre des contre-mesures similaires. Faites-leur très secrètement
comprendre qu’un incident armé entre le Japon et les nations anglo-saxonnes
peut faire éclater la guerre ; cela beaucoup plus soudainement qu’on ne le
suppose (34) [147] . »
A ce moment-là, l’escadre des porte-avions japonais avait déjà
parcouru une bonne partie de sa route vers Pearl Harbour. Tokyo pressait Berlin
de signer l’accord convenu. « De graves décisions sont en jeu, déclara
Tojo à l’ambassadeur Ott ; les États-Unis sont à la veille d’entrer en
guerre… Le Japon ne craint pas de rompre les pourparlers, et, en cette
occurrence, il espère que, selon les termes du pacte tripartite, l’Allemagne et
l’Italie prendront place à ses côtés. »
« J’ai répondu, télégraphie Ott à la Wilhelmstrasse, que
la prise de position de l’Allemagne ne me paraissait faire aucun doute. D’après
mes paroles, le ministre des Affaires étrangères considère que, désormais, le
destin de nos deux pays est lié par une cause commune. Je lui ai répondu qu’à
mon avis l’Allemagne était certainement prête à un accord sur ce point (35). »
L’ATTAQUE DE PEARL HARBOUR
En dépit de la gravité de la situation, le général Oshima, grand
amateur de musique classique, se mit en route pour Salzbourg dans l’intention d’assister
au festival Mozart, mais il ne lui fut pas permis d’écouter longtemps les
chefs-d’œuvre du grand compositeur. Le 1er décembre, une dépêche le
ramenait en toute hâte à Berlin. L’heure était venue d’obtenir la signature de
l’Allemagne sans perdre une minute. Comme toujours lorsqu’il se trouvait au
pied du mur, Ribbentrop essaya de se dérober.
Se rendant pleinement compte, quoique un peu tard, des
conséquences de la dangereuse promesse faite au Japon, il se fit distant et
évasif, prétendit devoir consulter le Führer avant de s’engager formellement. Revenu
le surlendemain mercredi à la Wilhelmstrasse, Oshima fut prié d’attendre encore.
Le Führer, retenu à son G. Q. G. de Prusse-Orientale, ne serait de retour qu’à
la fin de la semaine… En réalité, rapporte Ciano, non sans
une certaine satisfaction ironique, Hitler se trouvait alors sur le front russe
auprès du général von Kleist, « dont les armées continuaient à se replier
sous la poussée d’une offensive inattendue ». Mussolini, qui, lui, ne se
trouvait sur aucun front, recevait à Rome la visite de l’ambassadeur du Japon, venu
officiellement lui demander de déclarer la guerre aux États-Unis en observation
du pacte tripartite.
Il sollicitait également la signature d’un accord par lequel l’Italie
s’engagerait à ne pas négocier de paix séparée. L’interprète japonais tremblait
comme une feuille, raconte Ciano. Quant au Duce, il se
montra disposé à accéder au désir japonais, mais après en
avoir conféré avec Berlin. Toujours selon Ciano, la
capitale allemande devenait singulièrement prudente depuis quelque temps…
« Parce qu’ils ne peuvent faire autrement peut-être, les
Allemands emboiteront-ils le pas au Japon, écrit-il le 4 décembre. Mais
ils sont de
Weitere Kostenlose Bücher