Le Troisième Reich, T2
moins son travail. D’après
la correspondance de Sievers, le professeur séparait les têtes et, ainsi qu’il
l’écrivait, « il monta une collection de squelettes qui était jusqu’alors
pour ainsi dire inexistante ». Mais le professeur rencontrait des difficultés
dont il fit part à Sievers (qui ne possédait aucune expérience médicale ou
anatomique) et le chef de l’Ahnenerbe en rendit compte à Himmler le 5 septembre
1944.
Étant donné le travail considérable demandé par les recherches
scientifiques impliquées, la réduction des cadavres n’est pas encore achevée. Il
faut un certain temps pour pratiquer cette opération sur 80 corps.
Or, le temps pressait. Les troupes américaines et françaises
approchaient de Strasbourg. Hirt demanda des « instructions sur ce qu’il
convenait de faire de la collection ».
On peut ôter la chair des corps et en rendre ainsi l’identification
impossible (écrivit Sievers à l’état-major, de la part du docteur Hirt). Cependant,
cela signifierait qu’une partie au moins de l’ensemble du travail aura été
faite pour rien et que cette collection unique sera perdue pour la science, car
il sera impossible de prendre ensuite des moulages.
Dans son état actuel, la collection de squelettes passe
inaperçue. On pourrait peut-être dire que les chairs ont été abandonnées par
les Français lorsque nous avons repris l’Institut anatomique [213] ,
et on les enverrait au four crématoire. Veuillez nous dire laquelle des trois
positions suivantes devra être adoptée :
1. Conserver la collection dans son état actuel. – 2. La
détruire en partie. – 3. La détruire totalement.
« Pourquoi vouliez-vous ôter la chair des corps ? demanda
le procureur anglais dans le silence complet qui régnait dans la salle du
tribunal de Nuremberg. Pourquoi suggériez-vous d’en faire porter la responsabilité
aux Français ? »
Profane en cette matière, je ne pouvais avoir aucune
opinion, répondit le Barbe-Bleue nazi. Je me contentais simplement de
transmettre les demandes du professeur Hirt. Je n’ai rien à voir avec le
meurtre de ces gens. Je n’ai été en cela qu’un simple employé.
C’était là un piètre système de défense, derrière lequel se
retranchèrent de nombreux nazis au cours des procès et, cette fois comme les
autres, l’accusation riva son clou au témoin (75).
Les dossiers S. S. pris par les Alliés révèlent que, le 26 octobre
1944, Sievers écrivait que « la collection de Strasbourg avait été
entièrement détruite, conformément aux instructions reçues. Cette décision est
la meilleure, étant donné la situation générale (76) ».
Herypierre décrivit ensuite la tentative – qui ne fut pas
entièrement couronnée de succès – faite pour effacer les traces de cette
affaire.
En septembre 1944, les Alliés poussèrent jusqu’à Belfort et
le professeur Hirt ordonna à Bong et à Maier de découper ces corps et de les faire
brûler dans le four crématoire… Le lendemain, je demandai à Herr Maier s’il
avait découpé tous les corps, mais Herr Bong me répondit : « Il nous
a été impossible de les découper tous, c’était trop de travail. Nous en avons
laissé quelques-uns dans la réserve. »
C’est là qu’un peloton allié devait les découvrir quand les
unités de la VIIe armée U. S. A., conduites par la 2e division blindée
française, pénétrèrent dans Strasbourg un mois plus tard (77) [214] .
Les Maîtres de l’Ordre nouveau ne collectionnaient pas seulement
les squelettes mais également la peau humaine ; dans ce dernier cas, cependant,
ils pouvaient difficilement se retrancher derrière l’excuse de servir la cause
de la recherche scientifique. La peau des prisonniers des camps de
concentration, spécialement exécutés dans ce dessein macabre, avait une valeur
uniquement décorative. On en faisait des abat-jour, dont certains furent
spécialement façonnés pour Frau Ilse Koch, la femme du commandant de Buchenwald,
surnommée par les déportés « la Chienne de Buchenwald [215] ».
Il semble que les peaux tatouées aient été les plus recherchées. Un détenu
allemand, Andreas Pfaffenberger, a fait à ce sujet une déposition à Nuremberg.
Tous les prisonniers ayant des tatouages reçurent l’ordre
de se présenter au dispensaire… Après qu’ils eurent été examinés, ceux qui
portaient les tatouages les plus intéressants et les plus artistiques furent
tués par piqûres.
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