Le Troisième Reich, T2
ces essais se terminaient par la mort du sujet
(82).
Deux cents prisonniers environ furent soumis à cette expérience
avant que le docteur Rascher l’eût terminée. Selon les témoignages recueillis
au cours du « procès des médecins », 80 personnes environ y
trouvèrent la mort ; les autres furent exécutées par la suite, pour les
empêcher de parler.
Ce projet de recherches prit fin en mai 1942 ; à cette date,
le feld-maréchal Erhard Milch transmit à Himmler les « remerciements de Gœring
pour les expériences fondamentales du docteur Rascher ». Un peu plus tard,
le 10 octobre 1942, le lieutenant-général docteur Hippke, médecin
inspecteur de la Luftwaffe, présenta à Himmler « au nom de la médecine et
de la recherche aéronautique allemande » sa « respectueuse gratitude »
pour les « expériences de Dachau ».
Toutefois, elles comportaient, selon lui, une omission. On n’avait
pas tenu compte du froid extrême qu’un aviateur affronte à de hautes altitudes.
Il informait Himmler que, pour pallier cette omission, la Luftwaffe faisait
construire une chambre de décompression « équipée d’une réfrigération
complète et représentant une altitude nominale de 100 000 pieds. « Des
expériences de refroidissement par des méthodes diverses sont encore
actuellement en cours à Dachau (83). »
En effet, elles l’étaient. Et, de nouveau, le docteur Rascher en
était le promoteur. Mais certains de ses collègues s’inquiétaient. Était-il
vraiment conforme à l’esprit chrétien de se livrer à de telles expériences ?
Apparemment, quelques médecins allemands de la Luftwaffe commençaient à avoir
des doutes à ce sujet. Quand Himmler l’apprit, il entra dans une violente
fureur et, sans attendre, il écrivit au feld-maréchal Milch pour protester
contre les difficultés soulevées dans les milieux de l’aviation par les « cercles
médicaux chrétiens ».
Il pria le chef d’état-major de la Luftwaffe de libérer Rascher
du service médical de l’aviation, afin qu’il puisse être affecté à celui des S.
S. Il lui conseilla de trouver un « médecin non chrétien qui se
contenterait d’être un bon savant », pour lui confier la succession du
docteur Rascher. Cela dit, Himmler précisait qu’il
… assumait personnellement la responsabilité de fournir des
individus asociaux et des criminels internés dans les camps de concentration et
qui méritent seulement de mourir pour ces expériences.
Les « expériences de refroidissement » du docteur
Rascher étaient de deux sortes. Premièrement : étudier le degré de froid
que peut supporter un homme sans mourir ; deuxièmement : trouver les
meilleures méthodes pour réchauffer un individu qui vit encore après avoir été
soumis à un froid intense. On choisit deux méthodes de refroidissement : immersion
dans une cuve d’eau glacée, exposition dans la neige, complètement nu, par une
nuit d’hiver. Les rapports que Rascher adressa à Himmler sur ses expériences de
« refroidissement » et de « réchauffement » constituent un
dossier volumineux ; un exemple ou deux suffiront à en donner le ton. Un
des premiers date du 10 septembre 1942.
Les sujets furent immergés dans l’eau avec leur équipement
complet de vol… serre-tête compris. Une ceinture de sauvetage les maintenait à
flot. La température de l’eau variait de 2°à 11°. Au cours des premières expériences,
le cervelet et la nuque sortaient de l’eau. Au cours des autres séries d’expériences,
la nuque et le cervelet furent immergés. On a enregistré électriquement des
températures de l’ordre de 26°, 5 dans l’estomac et de 26°, 6 dans le rectum. La
mort ne survenait que lorsque la moelle et le cervelet était atteints par le
froid.
A l’autopsie, on trouvait toujours une grande quantité de
sang à l’intérieur de la boîte crânienne, jusqu’à un litre et demi. La cavité
droite du cœur présentait une très forte dilatation. Au cours de ces
expériences, les sujets mouraient inévitablement dès que leur température
tombait à 28°, cela en dépit de toutes les tentatives faites pour les ranimer. Les
constatations faites au cours des autopsies montrent clairement combien il est
important de prévoir pour la combinaison de vol actuellement en cours d’expérience
une protection chauffante pour la tête et la nuque (84).
Le docteur Rascher joignait un tableau portant sur six « cas
mortels » et
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