Le Troisième Reich, T2
faite pour résoudre l’affaire de l’Athenia avant le retour des sous-marins. »
La guerre sur mer, comme nous l’avons dit, avait commencé dix
heures après la déclaration de guerre de l’Angleterre, quand le paquebot Athenia ,
surchargé de 1 400 passagers, fut torpillé sans avertissement, le 3 septembre,
à neuf heures, 300 kilomètres à l’ouest des Hébrides ; 112 personnes
périrent, dont 28 Américains. Le ministre allemand de la Propagande examina les
premières nouvelles de Londres avec le Haut-Commandement de la marine ; informé
qu’aucun sous-marin ne se trouvait dans les parages, il démentit promptement
que le bateau eût été coulé par les Allemands.
L’affaire embarrassait grandement Hitler et le commandement de
la marine ; tout d’abord, ils ne crurent pas les rapports anglais. Des
ordres stricts avaient été donnés à tous les commandants de sous-marins d’observer
la convention de La Haye, qui interdisait d’attaquer un bateau sans
avertissement. Puisque la radio de tous les submersibles restait silencieuse, il
n’y avait aucun moyen de vérifier ce qui était arrivé [22] .
Cela n’empêcha pas la presse nazie sous contrôle d’accuser, deux jours après, les
Anglais d’avoir torpillé leur propre bateau afin d’exciter les États-Unis à
entrer en guerre.
La Wilhelmstrasse était en effet intéressée par la réaction
américaine après une catastrophe qui avait causé la mort de 28 citoyens
américains. Le lendemain du torpillage, Weizsaecker convoqua le chargé d’affaires
américain, Alexander Kirk, et nia qu’un sous-marin allemand en fût l’auteur. Aucun
bâtiment allemand n’était dans les parages, fit-il ressortir. Ce soir-là, selon
son témoignage ultérieur à Nuremberg, le secrétaire d’État avait mandé Raeder
et, lui ayant rappelé combien le torpillage du Lusitania par les
Allemands pendant la première guerre mondiale avait favorisé l’entrée en guerre
de l’Amérique, il avait insisté pour que « tout soit fait » pour
éviter de provoquer les États-Unis. L’amiral lui avait assuré qu’ « aucun
sous-marin allemand ne pouvait avoir été en cause (9) ».
Sur la demande pressante de Ribbentrop, l’amiral Raeder invita l’attaché
naval américain à venir le voir le 16 septembre ; il déclara qu’il
avait à présent reçu les rapports de tous les sous-marins, « dont il
résultait qu’il était définitivement établi que l’Athenia n’avait pas
été coulé par un allemand ». Il lui demandait d’en informer son
gouvernement, ce que l’attaché fit tout de suite [23] (10).
Le grand amiral n’avait pas dit toute la vérité. Tous les
sous-marins qui étaient en mer le 3 septembre n’étaient pas encore rentrés
au port. Parmi eux était le U-30, commandé par l’Oberleutnant Lemp, qui ne
regagna pas la métropole avant le 27 septembre. Il était attendu par l’amiral
Karl Dœnitz, commandant les sous-marins, qui, des années plus tard, à Nuremberg,
décrivit la rencontre et finalement révéla qui avait coulé l’Athenia .
J’ai rencontré le capitaine, Oberleutnant Lemp, sur la
jetée de Wilhelmshaven, comme le bateau entrait au port, et il me demanda la
permission de me parler en particulier. Je remarquai immédiatement qu’il avait
l’air très malheureux. Il me dit aussitôt qu’il pensait être responsable de la
perte de l’Athenia dans le canal du Nord. Conformément à mes
instructions antérieures, il avait exercé une surveillance étroite au large des
Iles Britanniques, à l’affût d’éventuels croiseurs auxiliaires, et avait
torpillé un bateau, qu’il identifia plus tard comme l’Athenia d’après
des messages radio, croyant qu’il s’agissait d’un cargo armé en patrouille…
J’envoyai aussitôt Lemp à Berlin par avion, faire son
rapport à l’état-major de la marine (S. K. L.) ; en même temps j’ordonnai
provisoirement le secret absolu. Plus tard, le même jour, ou tôt le lendemain, je
reçus ordre du Kapitaen zur See Fricke que :
1. – L’affaire devait être tenue absolument secrète.
2. – Le Haut-Commandement de la marine (O. K. M.) considérait qu’une cour martiale n’était pas nécessaire, car il était persuadé que le
capitaine avait agi de bonne foi.
3. – Les explications d’ordre politique seraient fournies
par l’O. K. M [24]
Je n’ai pris part d’aucune façon aux événements politiques
au cours desquels le Führer affirma qu’aucun
Weitere Kostenlose Bücher