Le Troisième Reich, T2
sous-marin n’avait coulé l’Athenia (11).
Mais Dœnitz, qui avait dû suspecter la vérité dès le début, car
autrement il ne se serait pas trouvé au dock pour accueillir le retour de l’U-30,
y prit bien part en maquillant le livre de bord du sous-marin et son propre
journal, de façon à effacer toute évidence de la vérité. En fait, et il l’admit
à Nuremberg, il ordonna lui-même que nulle mention de l’Athenia ne
figurât sur le livre de bord de l’U-30, et il le raya de son propre journal. Il
fit jurer à l’équipage le secret absolu [25] .
Sans aucun doute, dans toutes les nations, le Haut-Commandement,
au cours d’une guerre, peut se trouver amené à cacher certains faits peu
reluisants. Il est compréhensible, sinon louable, qu’Hitler, comme l’amiral
Raeder en témoigna à Nuremberg, insista pour que l’affaire de l’Athenia demeurât secrète ; spécialement parce que le commandement naval avait agi
de bonne foi en niant d’abord la responsabilité allemande, et qu’il aurait été
grandement embarrassé d’avoir à la reconnaître ensuite.
Mais Hitler ne s’en tint pas là. Le soir du dimanche 22 octobre,
le ministre de la Propagande, Gœbbels, parla personnellement à la radio – l’auteur
se souvient bien de l’émission – et accusa Churchill d’avoir coulé l’Athenia. Le
lendemain le journal officiel nazi, le Völkischer Beobachter , publia en première page, sous le titre CHURCHILL A COULÉ L’ATHENIA,
une nouvelle affirmant que le premier lord de l’Amirauté avait déposé une bombe
à retardement dans la cale du bateau. A Nuremberg, il fut établi que le Führer avait personnellement ordonné l’émission et l’article – et
aussi, bien que Raeder, Dœnitz et Weizsaecker fussent très mécontents d’un
mensonge si impudent, qu’ils n’avaient rien osé faire (13).
Cette faiblesse des amiraux et du soi-disant chef de l’opposition
anti-nazi aux Affaires étrangères, faiblesse éprouvée au même degré par les généraux
toutes les fois que le démoniaque Seigneur de la Guerre montrait les dents, devait
ouvrir pour l’Allemagne une des pages les plus sombres de son histoire.
HITLER PROPOSE LA PAIX
« Ce soir la presse parle ouvertement de paix, ai-je
noté dans mon journal le 20 septembre. Tous les Allemands à qui j’ai eu
affaire aujourd’hui sont absolument sûrs que nous aurons la paix d’ici à un
mois. Ils sont dans l’euphorie. »
L’après-midi précédent, à l’hôtel de ville pavoisé de Dantzig, j’avais
entendu Hitler faire son premier discours depuis son adresse au Reichstag du 1er septembre
qui avait déclenché la guerre. Il enrageait certes de ne pouvoir prononcer son
discours à Varsovie où les Polonais résistaient encore vaillamment, et il
distillait du venin chaque fois qu’il mentionnait la Grande-Bretagne ; cependant,
il esquissa un geste vers la paix. « Je n’ai aucune intention agressive à
l’égard de l’Angleterre et de la France, dit-il. Mes sympathies vont au poilu
français qui ne sait pas très bien pourquoi il doit se battre. » Il
invoqua le Tout-Puissant, « qui a maintenant béni nos armes, afin qu’il
fasse comprendre aux autres peuples combien cette guerre sera inutile… et qu’il
les incite à réfléchir sur les bénédictions de la paix ».
Le 26 septembre, veille de la chute de Varsovie, la presse
et la radio allemande lancèrent une grande offensive de paix. La note générale,
telle que je l’ai consignée dans mon journal, était : « Pourquoi la
France et l’Angleterre veulent-elles se battre à présent ? Aucun motif de
lutte. L’Allemagne ne réclame rien à l’Ouest. »
Deux jours plus tard, la Russie, dévorant rapidement sa part de
la Pologne, se joignit à l’offensive de paix. En même temps que la signature du
traité germano-soviétique, avec ses clauses secrètes qui partageaient l’Europe
orientale, Molotov et Ribbentrop élaboraient et signaient à Moscou le 28 septembre
une déclaration retentissante en faveur de la paix.
Les gouvernements d’Allemagne et de Russie, disait-elle, après
avoir
définitivement résolu les problèmes soulevés par la
désintégration de l’Etat polonais et établi de solides fondations pour une paix
durable en Europe orientale, expriment leur conviction mutuelle que mettre un
terme à l’état de guerre entre l’Allemagne et l’Angleterre et la France
servirait les intérêts réels de tous les peuples. Les deux
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