Le Troisième Reich, T2
semble que cette
affinité ait facilité la conclusion d’un accord. Il fut entendu qu’Hitler
serait renversé et que Rommel devrait se préparer à devenir soit chef d’État
par intérim, soit commandant en chef des forces armées (il convient de préciser
qu’à aucun moment Rommel ne réclama l’une Ou l’autre de ces fonctions). Les
conjurés réglèrent encore un certain nombre de détails ; ils élaborèrent
entre autres des plans pour entrer en contact avec les Alliés occidentaux en
vue de demander un armistice et établirent un code permettant aux conspirateurs
de communiquer d’Allemagne avec le quartier général de Rommel.
Le général Speidel affirme que non seulement Rommel informa
franchement son supérieur immédiat, von Rundstedt, de ce qui se tramait, mais
que ce dernier se déclara « en complet accord » avec lui. Toutefois, il
y avait une faille dans le caractère de cet officier, l’un des doyens de l’armée.
Lors d’une discussion sur la rédaction de demandes collectives à
adresser à Hitler (écrivit plus tard Speidel), Rundstedt dit à Rommel :
« Vous êtes jeune » Vous connaissez et vous aimez le peuple. C’est
donc à vous d’agir (14). »
Après plusieurs conférences, le plan suivant fut arrêté à la fin
du printemps. Speidel, qui, de tous les conspirateurs militaires combattant sur
le théâtre de l’Ouest, fut presque le seul survivant, le définit ainsi :
Armistice immédiat avec les Alliés occidentaux, mais pas de
reddition inconditionnelle. Retrait en Allemagne des troupes allemandes opérant
à l’Ouest. Arrestation d’Hitler et comparution devant un tribunal allemand. Renversement
du gouvernement nazi. Prise temporaire du pouvoir exécutif en Allemagne par les
forces de la résistance de toutes opinions sous la direction du général Beck, de
Gœrdeler et du représentant des syndicats, Leuschner. Pas de dictature
militaire. Préparation d’une « paix constructive » dans le cadre d’États-Unis
européens. A l’Est, continuation de la guerre. Maintien d’un front défensif
raccourci entre l’embouchure du Danube, les Carpates, la Vistule et Memel (15).
Il semble bien que les généraux n’aient pas douté un seul
instant que les armées anglaises et américaines se joindraient à eux pour
poursuivre la guerre contre la Russie, afin d’empêcher l’Europe d’être
bolchévisée.
A Berlin, le général Beck approuva ce plan, du moins en ce qui
concernait la poursuite de la guerre à l’Est. Au début de mai, il fit parvenir
en Suisse, à Dulles, par l’intermédiaire de Gisevius, un mémorandum exposant un
plan fantastique. A l’ouest, les généraux allemands ramèneraient leurs forces
jusqu’à la frontière allemande après l’invasion anglo-américaine. Pendant ce
temps, Beck demandait aux Alliés occidentaux d’effectuer trois opérations
tactiques : faire atterrir trois divisions aéroportées dans le secteur de
Berlin pour aider les conspirateurs à tenir la capitale, opérer de vastes
débarquements sur la côte allemande près de Hambourg et Brême, débarquer une
force importante en France sur les côtes de la Manche.
Des troupes antinazies sûres s’empareraient pendant ce temps du
secteur de Munich et encercleraient Hitler dans son réduit montagneux de l’Obersalzberg.
La guerre contre la Russie se poursuivrait. Dulles s’efforça de ramener sur
terre les conspirateurs berlinois. On leur fit connaître qu’il ne pouvait être
question d’une paix séparée avec l’Occident (16).
Stauffenberg, ses amis du cercle Kreisau et d’autres membres du
complot tels que Schulenburg, ancien ambassadeur à Moscou, avaient fini par le
comprendre. En fait, la plupart d’entre eux, y compris Stauffenberg, étaient
pro-russes, tout en restant anti-bolchéviques. Pendant un certain temps, ils
pensèrent qu’il serait plus facile d’obtenir une paix honorable avec la Russie
(laquelle, à travers les déclarations de Staline lui-même, avait insisté dans
ses émissions de propagande sur le fait qu’elle ne combattait pas contre le
peuple allemand mais contre « les hitlériens ») qu’avec les Alliés
occidentaux, qui, eux, ne parlaient que de « capitulation inconditionnelle [253] ».
Et maintenant que l’été décisif de 1944 approchait, ils
comprenaient la nécessité d’agir de toute urgence. L’Armée Rouge était presque
aux frontières de l’Allemagne, les armées anglaises et américaines
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