Le Troisième Reich, T2
de Bamberg – le célèbre Bamberger Reiter .
En 1936, on l’envoya à l’école de Guerre de Berlin, où il attira
l’attention de ses professeurs et du Haut-Commandement par son intelligence et
ses capacités. Deux ans plus tard, il en sortait pour occuper un poste
subalterne à l’état-major général. Monarchiste de cœur, comme la plupart des
hommes de sa classe, il n’était pourtant pas, à cette époque, un opposant au
régime national socialiste. Ce furent apparemment les pogroms de 1938 qui
jetèrent dans son esprit les premiers doutes, doutes qui ne firent qu’augmenter
lorsque, pendant l’été 1939, il vit le Führer pousser l’Allemagne dans une
guerre qui pouvait être longue, terriblement coûteuse en vies humaines, pour, finalement,
être perdue.
Néanmoins, quand la guerre arriva, il s’y jeta avec une énergie
caractéristique, se faisant un nom comme officier d’état-major à la 6e division
de Panzer du général Hœpner, durant les campagnes de Pologne et de France. C’est
en Russie, semble-t-il, que Stauffenberg perdit ses dernières illusions sur le
Troisième Reich. Il avait été transféré au haut commandement de l’armée (O. K. H.)
au début de juin 1940, juste avant l’assaut contre Dunkerque – et, pendant les dix-huit premiers mois de la campagne de Russie, il
passa la plus grande partie de son temps en territoire soviétique, où, entre
autres choses, il aida à organiser les unités de « volontaires »
russes recrutés parmi les prisonniers de guerre. A cette époque, selon ses amis,
Stauffenberg se disait que, lorsque les Allemands se libéreraient de la
tyrannie d’Hitler, ces troupes russes pourraient servir à libérer leurs
concitoyens de celle de Staline.
La brutalité dont faisaient preuve les S. S. en Russie – sans
parler de l’ordre donné par Hitler de fusiller les commissaires bolchéviques – ouvrit
les yeux de Stauffenberg sur le maître qu’il servait. Le hasard voulut qu’il
rencontrât en Russie deux des principaux conspirateurs qui avaient décidé de
régler le sort de ce maître : le général von Tresckow et Schlabrendorff. Ce
dernier raconte qu’il ne leur fallut à tous deux que quelques entretiens avec
Stauffenberg pour se convaincre qu’ils tenaient leur homme. Et, de fait, il
devint un conspirateur actif.
Mais ce n’était encore qu’un officier subalterne, et il comprit
bien vite que les maréchaux étaient trop hésitants – sinon trop lâches – pour
tenter de renverser Hitler ou pour arrêter le sinistre massacre des Juifs, des
Russes et des prisonniers de guerre derrière les lignes. Le désastre inutile de
Stalingrad le rendit malade.
Aussitôt après la chute de Stalingrad, en février 1943, il
demanda à être envoyé sur le front et fut affecté en Tunisie, à la 10e division
panzer, comme officier d’opérations. Il rejoignit son poste vers la fin de la
bataille de Kasserine, au cours de laquelle sa division refoula les Américains
hors du col.
Le 7 avril, sa voiture sauta dans un champ de mines – certains
disent qu’elle fut attaquée par des appareils alliés volant à basse altitude – et
Stauffenberg fut grièvement blessé. Il perdit l’œil gauche, la main droite et
deux doigts de la main gauche ; il fut également blessé à l’oreille et au
genou gauche. Pendant plusieurs semaines, on crut que, s’il s’en sortait, il
resterait aveugle. Mais, grâce aux soins du professeur Sauerbruch, il revint à
la vie dans un hôpital de Munich. On pourrait penser que, dans ces
circonstances, il se serait retiré de l’armée et donc de la conspiration.
Un autre que lui l’eût fait. Mais, vers le milieu de l’été, il
écrivit au général Olbricht – après s’être longuement exercé à manier une plume
avec les trois doigts de la main gauche, encore entourée de pansements – qu’il
espérait reprendre du service actif. Pendant sa longue convalescence, il avait
eu le temps de réfléchir et il en était arrivé à la conclusion que, malgré son
handicap physique, il avait une mission sacrée à remplir.
« Je sens que je dois faire quelque chose pour sauver l’Allemagne »,
dit-il à sa femme, la comtesse Nina, mère de ses quatre enfants, un jour qu’elle
était venue le voir à l’hôpital. « Nous autres, officiers de l’état-major
général, nous devons tous prendre notre part de responsabilité (10). »
A la fin de septembre 1943, il était de retour à Berlin avec le
grade de
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