Le Troisième Reich, T2
représentant l’Aviation, sera mort avant cinq heures. Vous-même
me garantirez sur votre tête que tous les hommes, jusqu’au dernier, seront
jetés dans cette attaque (11).
Pendant toute la journée et une partie du lendemain, Hitler
attendit impatiemment des nouvelles de cette opération. C’était une preuve
supplémentaire de son irréalisme. Cette contre-attaque n’eut jamais lieu :
elle n’existait que dans l’esprit fiévreux du dictateur désespéré. Quand il fut
– enfin – obligé de le reconnaître, l’orage éclata.
Le 22 avril, Hitler amorça la dernière étape de sa vie. Dès
le matin, jusqu’à quinze heures, il était resté suspendu au téléphone, pour
avoir des nouvelles de la contre-attaque. Nul n’en savait rien. Les avions du
général Koller n’en voyaient aucune trace, pas plus que
les commandants de l’armée de terre. Et pourtant, elle aurait dû se dérouler
seulement à quelques kilomètres de la capitale. On ne trouvait trace nulle part
de Steiner, ni de son armée.
La bombe éclata à la conférence militaire quotidienne, tenue au
bunker à quinze heures. Hitler exigea impérativement des nouvelles de Steiner. Ni Keitel ni Jodl ne purent lui répondre. Mais les
généraux avaient d’autres nouvelles pour lui : les troupes retirées des
autres fronts pour appuyer la contre-attaque de Steiner avaient
laissé des secteurs affaiblis par lesquels les Russes s’étaient infiltrés, et
leurs chars se trouvaient maintenant dans la ville.
C’en était trop pour le commandant suprême. Tous les témoins
survivants témoignent de la crise qui le saisit alors. Perdant tout empire sur
lui-même, il entra dans la plus violente colère de sa vie. Il hurla que c’était
le comble, que tous le trahissaient, que tout était fini, qu’il était environné
de trahisons, de mensonges et de lâchetés. Il resterait à Berlin. Il prendrait
personnellement la défense de la capitale du Troisième Reich. Que
les autres partent, s’ils le désiraient. Lui attendrait la mort, sans bouger.
Les autres protestèrent. Ils affirmaient qu’il subsistait un
espoir, si le Führer voulait se retirer dans le sud, où le
feld-maréchal Ferdinand Schœner, avec son groupe d’armées de Tchécoslovaquie, et Kesselring, avec ses forces considérables, constituaient
une réserve sûre. Dœnitz, qui était parti prendre le commandement des troupes
au nord-ouest, et Himmler qui, comme nous le verrons plus
tard, manigançait ses petites affaires, téléphonèrent pour supplier leur chef
de ne pas rester à Berlin. Ribbentrop lui-même téléphona pour affirmer qu’il
préparait un coup de théâtre diplomatique qui sauverait la situation.
Mais Hitler n’avait plus confiance en eux, pas même en son « second
Bismarck », comme il avait appelé son ministre des Affaires Étrangères en
un moment d’égarement. Il s’entêta dans sa décision. Et, pour en montrer le
caractère irrévocable, il fit venir un secrétaire et, en présence de tous, dicta
une déclaration à lire sur-le-champ à la radio. Il y affirmait que le Führer resterait à Berlin et défendrait la ville jusqu’au bout.
Puis il convoqua Gœbbels et l’invita, ainsi
que sa femme et leurs six enfants, à venir s’installer au bunker, car leur
maison de la Wilhelmstrasse était très endommagée par les
bombardements. Il savait que du moins ce disciple fanatique et sa famille lui
resteraient fidèles jusqu’à la fin. Enfin, Hitler tria ses archives et chargea
un de ses aides de camp, Julius Schaub, d’assurer la
destruction d’une partie de ses documents. Julius Schaub
alla les brûler au jardin.
Le soir, Hitler convoqua Keitel et Jodl et leur commanda de se
rendre dans le sud pour y prendre le commandement des armées restantes. Les
deux généraux, qui n’avaient pas quitté Hitler de toute la guerre, ont laissé
un compte rendu saisissant de leurs adieux au commandant suprême (12).
Quand Keitel protesta qu’il ne partirait pas sans son Führer, Hitler lui répondit : « Vous obéirez à mes
ordres. » Keitel, qui n’avait jamais désobéi au Führer, –
pas même pour commettre les plus abjects des crimes de guerre, – ne répliqua
plus. Mais Jodl, moins valet dans l’âme, ne resta pas muet. Dans l’opinion de
ce soldat, qui, en dépit de sa dévotion fanatique pour le Führer, gardait encore le sens des traditions militaires, le commandant suprême
abandonnait ses troupes, rejetait ses responsabilités
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