Le Troisième Reich, T2
chef
avait décidé d’attendre la mort à Berlin, où il brûlait ses archives. Devant
ses propos incohérents, le chef d’état-major de la Luftwaffe partit,
en dépit d’un intense bombardement de l’aviation britannique, pour rencontrer
le général Jodl et se rendre compte de ce qui se passait au bunker.
A Krampnitz, entre Berlin et Potsdam, où l’O. K. W. – privé de son Führer – s’était
provisoirement installé, il trouva Jodl qui raconta à son ami toute la triste
histoire. Il lui révéla aussi quelque chose dont nul ne lui avait encore parlé
et qui devait avoir certaines répercussions sur les fiévreuses journées à venir.
« Lorsqu’il faudra engager les pourparlers (de paix), avait
dit Hitler à Keitel et Jodl, Gœring en sera chargé. Il saura mieux s’y prendre
que moi. D’ailleurs il saura mieux leur parler. » Jodl répéta ces paroles
à Koller (14).
Le général de la Luftwaffe comprit qu’il
devait immédiatement prendre contact avec Gœring. Il eût été difficile et
dangereux de s’expliquer par un message radio, que l’ennemi aurait pu
intercepter. Hitler avait depuis longtemps désigné Gœring comme son « dauphin » ;
s’il devait entamer les pourparlers de paix, il n’y avait pas de temps à perdre.
Jodl le savait bien.
Le 23 avril, à trois heures trente du matin, Koller prit un avion de chasse et partit pour Munich.
Il arriva à midi à Obersalzberg, où il
communiqua les nouvelles au maréchal du Reich. Gœring qui
attendait son heure, avide de devenir Führer à son tour, se
montra pourtant circonspect. Il ne voulait pas, dit-il, offrir le flanc à « son
ennemi mortel » Bormann, précaution justifiée par les événements. Il suait
d’angoisse. « Si je me mets en avant maintenant, dit-il à ses conseillers,
on pourra me taxer de trahison ; si je n’agis pas, on m’accusera d’être
resté inactif à l’heure du désastre. »
Gœring fit venir Hans Lammers, secrétaire d’État
de la Chancellerie du Reich, qui se trouvait à Berchtesgaden, pour lui demander conseil sur le plan juridique. Puis
il extirpa de son coffre-fort une copie du décret du 29 juin 1941, signé
par Hitler. Les termes en étaient très clairs. Il stipulait qu’en cas de mort
du Führer Gœring lui succéderait et qu’en cas d’incapacité
du Führer c’était à Gœring de le remplacer.
Tous furent d’accord pour estimer qu’en se confinant à Berlin
pour mourir, en s’isolant des chefs militaires et des services officiels civils,
Hitler se trouvait en état « d’incapacité de gouverner » et que – aux
termes du décret – le devoir de Gœring était de le remplacer. Néanmoins, le
maréchal du Reich rédigea avec soin un télégramme pour
Hitler, afin de prendre toutes les précautions.
Mon Führer !
A la suite de votre décision de rester dans la place forte
de Berlin, êtes-vous d’accord pour me confier immédiatement le poste de
commandement à la tête du Reich, avec liberté totale d’action pour les affaires
intérieures aussi bien qu’extérieures ? De la sorte, j’agirais en tant que
votre délégué, aux termes de votre décret du 29 juin 1941. Si je n’ai pas
de réponse de votre part, à vingt-deux heures au plus tard, j je considérerai
que vous ne possédez plus votre liberté d’action et que – les conditions de
votre décret étant remplies – c’est à moi de prendre en main, pour le mieux, les
intérêts de notre pays et de notre peuple. Vous connaissez mes sentiments à
votre égard, en cette heure, la plus grave de ma vie. Les mots me manquent pour
exprimer ce que je ressens. Que Dieu vous protège et vous permette de nous
rejoindre au plus vite, en dépit de tout.
Votre fidèle,
Hermann Gœring.
Le soir même, à plusieurs centaines de kilomètres de là, Heinrich Himmler rencontrait le comte Bernadotte, au consulat
suédois de Lübeck, au bord de la Baltique. Der treue Heinrich , le fidèle Henri, comme
Hitler l’appelait souvent avec affection, ne demandait pas qu’on lui léguât le
pouvoir : il le prenait.
« La vie grandiose du Führer, dit-il
au comte suédois, touche à sa fin. » Il affirma qu’Hitler serait mort dans
un jour ou deux et qu’il fallait communiquer immédiatement au général
Eisenhower le désir de capitulation de l’Allemagne aux puissances occidentales.
A l’Est, ajouta Himmler, la guerre se poursuivrait jusqu’à ce que ces
puissances elles-mêmes assurent la marche des
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