Le Troisième Reich, T2
montrait
volontiers – discrète et réservée, des cheveux blond cendré. Une femme
absolument charmante. Elle restait dans l’ombre ; on ne la voyait que fort
rarement (9).
Issue d’une famille bavaroise de petite bourgeoisie, qui, au
début, s’opposa à ses relations illicites avec Hitler, bien qu’il fût le
dictateur, Eva Braun était employée au magasin de
photographie d’Heinrich Hoffmann, qui la présenta au Führer. C’était
un ou deux ans après le suicide de Geli Raubal, la nièce d’Hitler, pour
laquelle il éprouva, comme nous l’avons vu, la seule grande passion de son
existence.
Il semble qu’Hitler ait souvent réduit au désespoir Eva Braun mais pas pour les mêmes raisons que Geli Raubal. Bien
qu’installée dans un appartement de la villa alpestre d’Hitler, Eva
Braun supportait mal la longue séparation d’avec son amant. Au début de
leur liaison, elle fit deux tentatives de suicide, mais elle finit par se
résigner à son rôle décevant et ambigu – elle n’était reconnue ni comme épouse,
ni comme maîtresse – satisfaite d’être la seule femme dans la vie du grand
homme, et elle apprit à profiter au mieux de leurs rares moments d’intimité.
Maintenant, elle était résolue à partager ses dernières heures. Comme
le docteur Gœbbels et sa femme, elle ne désirait pas vivre dans une Allemagne
privée d’Adolf Hitler. « Elle ne vaudrait pas la peine qu’on y vive »,
confia-t-elle, dans l’abri, à Hanna Reitsch, la célèbre aviatrice allemande, juste
avant sa fin (10). Malgré sa cervelle d’oiseau et le fait qu’elle n’eut jamais
aucune emprise intellectuelle sur Hitler – peut-être est-ce pour cette raison
même qu’Hitler préférait sa compagnie à celle de femmes plus intelligentes – il
est évident qu’Eva Braun subissait – comme tant d’autres –
l’ascendant d’Hitler.
LA DERNIÈRE GRANDE DÉCISION
L’anniversaire d’Hitler, le 20 avril, se passa dans le
calme, bien que – comme le note dans son journal le général Karl Koller, chef d’état-major
de l’aviation, invité au bunker – ce fût une journée fertile en catastrophes
sur les fronts qui se désagrégeaient rapidement. Tous les vieux fidèles du
Parti nazi : Gœring, Gœbbels, Himmler, Ribbentrop et
Bormann étaient présents, ainsi que les survivants parmi les chefs militaires :
Dœnitz, Keitel, Jodl et Krebs (nouveau et dernier chef d’état-major
de l’armée). Tous offrirent au Führer leurs souhaits de
bon anniversaire.
Le Seigneur de la Guerre n’était pas spécialement abattu, malgré
la situation. Il restait convaincu – ainsi qu’il l’affirmait à ses généraux
trois jours auparavant – que « les Russes connaîtraient devant Berlin la
plus sanglante des défaites ». Les généraux étaient persuadés du contraire
et lors de la conférence militaire, après la fête d’anniversaire, ils
supplièrent le Führer de quitter Berlin pour se réfugier
dans le Sud. Dans un ou deux jours, expliquèrent-ils, les Russes couperaient la
dernière issue de secours, dans cette direction. Hitler hésitait, incapable de
se décider.
Il ne pouvait réaliser ce fait incroyable : la prise
imminente de la capitale par ces mêmes Russes dont il s’était vanté, des années
auparavant, d’avoir quasiment détruit les armées. Il fit une concession aux
généraux en scindant le commandement en deux, pour le cas où Américains et
Russes opéreraient leur jonction sur l’Elbe. L’amiral Dœnitz prendrait le nord
et peut-être Kesselring le sud, mais il n’y était pas encore tout à fait décidé.
Cette nuit-là Berlin connut un grand exode. Deux des plus
anciens fidèles s’enfuirent : Himmler et Gœring, ce
dernier avec une véritable caravane de camions remplis du butin sauvé de sa
célèbre propriété de Karinhall. Les deux « fidèles »
vidaient les lieux, persuadés que le Führer bien-aimé
serait bientôt mort et qu’ils lui succéderaient.
Ils ne le revirent jamais, pas plus que Ribbentrop, qui, plus
tard dans la même nuit, se hâta également de fuir.
Mais Hitler ne s’avouait pas encore vaincu. Le lendemain de son
anniversaire, il ordonna au général S. S. Felix Steiner de
contre-attaquer dans les faubourgs sud de Berlin. Tout soldat valide devait
être récupéré pour l’attaque, ainsi que les équipes de terre disponibles de la Luftwaffe.
Tout officier qui économisera ses hommes, hurla Hitler au
général Koller,
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