Le Troisième Reich, T2
« tombé
en luttant jusqu’à son dernier souffle ». Mais ce mensonge devait aider
les « héritiers de la couronne » à édifier une légende et à garder l’emprise
sur les troupes qui résistaient encore à l’ennemi et qui se seraient crues
trahies en apprenant la vérité.
Dœnitz lui-même répéta ce mensonge dans son discours
radiodiffusé de vingt-deux heures vingt, où il parla de la « mort héroïque »
du Führer. Il est vrai qu’il en ignorait encore les
circonstances exactes, puisque le message radio de Gœbbels signalait cette « mort »
sans aucun détail. Mais cette lacune ne gênait en rien l’amiral, qui faisait de
son mieux pour accroître le trouble dans les cerveaux déjà confus de ses
compatriotes, en cette heure du désastre de la nation.
Mon premier devoir (dit-il) est de sauver l’Allemagne de la
destruction par l’ennemi bolchevique qui continue son avance. Dans ce seul but,
la lutte militaire continue. Tant que ce résultat sera contrarié par les
Britanniques et les Américains, nous serons obligés de les combattre également.
Dans ces conditions, les Anglo-Américains se battront non pour leur peuple, mais
pour la propagation du bolchévisme en Europe.
Après cette déformation ridicule, l’amiral – qui n’avait pas
protesté en 1939 contre la décision d’Hitler de s’allier aux mêmes Bolchéviques
pour pouvoir faire la guerre à l’Angleterre et plus tard à l’Amérique – termina
son allocution au peuple allemand par ces mots : « Dieu ne nous
abandonnera pas, après tant de souffrances et de sacrifices. »
C’étaient là des paroles creuses. Dœnitz savait pertinemment que
la résistance allemande était condamnée. Le 29 avril, la veille du suicide
d’Hitler, les armées allemandes d’Italie s’étaient rendues sans conditions, mais
la rupture des communications avait épargné au Führer cette nouvelle, qui
aurait encore assombri ses dernières heures. Le 4 mai, le
Haut-Commandement allemand de toutes les forces allemandes du nord-ouest de l’Allemagne,
du Danemark et de la Hollande, remit sa capitulation à Montgomery. Le lendemain, le groupe d’armées G de Kesselring, comprenant les 1re et
XIXe armées du nord des Alpes, capitula également.
Ce jour-là, 5 mai, l’amiral Hans von
Friedeburg, nouveau commandant en chef de la marine allemande, se présenta au Q.
G. d’Eisenhower, à Reims, pour négocier les conditions d’une capitulation. L’intention
des Allemands – ainsi que le prouvèrent par la suite les documents de l’O. K. W.
(27) – était de gagner du temps pour déplacer le plus grand nombre possible de
leurs troupes et de leurs réfugiés, afin de les soustraire aux Russes et de se
rendre aux Alliés occidentaux. Le lendemain, le général Jodl arriva à Reims
pour seconder l’amiral von Friedeburg dans sa tâche. En vain. Eisenhower avait
deviné la manœuvre.
Je dis au général Smith (raconta-t-il plus tard) d’informer
Jodl que, s’il ne cessait pas son petit jeu de mesures dilatoires, je
bloquerais tout le front allié, ce qui interdirait l’entrée de nos lignes à
tous les réfugiés allemands. Je ne voulais plus supporter de délais (28).
Le 7 mai, à treize heures trente, dès que Dœnitz fut
informé par Jodl des exigences d’Eisenhower, à son nouveau Q. G. de Flensburg, à
la frontière danoise, il donna à celui-ci pleins pouvoirs pour signer la
capitulation sans conditions. C’en était fait de l’armée allemande.
Dans une petite école de Reims en briques rouges, où Eisenhower
avait installé son Q. G., l’Allemagne capitula sans conditions, à deux heures
quarante et une du matin, le 7 mai 1945. Le document fut signé, pour les
Alliés, par le général Walter Bedell Smith – le général
Ivan Susloparov apposa également sa signature, comme témoin, au nom de la
Russie – et par le général François Sevez pour la France. L’amiral von
Friedeburg et le général Jodl signèrent pour l’Allemagne.
Jodl demanda la permission de prononcer quelques mots.
Par cette signature, le peuple allemand et les forces
armées se remettent – pour le meilleur ou pour le pire – entre les mains de
leurs vainqueurs… En cette circonstance, je ne peux qu’exprimer mon espoir de
voir le vainqueur les traiter généreusement.
Il n’y eut aucune réaction du côté allié. Mais sans doute Jodl n’avait-il
pas oublié une occasion semblable où les rôles étaient renversés, cinq
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