Le Troisième Reich, T2
pour donner à
l’opération l’apparence d’une occupation pacifique, dont l’objectif est la
protection militaire de la neutralité des États scandinaves. Des demandes dans
ce sens seront transmises à leurs gouvernements au début de l’occupation. Si
nécessaire, des démonstrations de la marine et de l’aviation apporteront l’accentuation
indispensable. Si, en dépit de cela, on rencontrait une résistance, tous les
moyens militaires seront mis en œuvre pour l’écraser… Le franchissement de la
frontière danoise et le débarquement en Norvège doivent être effectués
simultanément…
Il est de la plus haute importance que les États
scandinaves, aussi bien que les adversaires occidentaux, soient pris au
dépourvu … Les troupes ne seront avisées des véritables objectifs qu’après
leur embarquement (15)…
Le même soir, 1er mars, la « fureur » régnait
dans le haut commandement de l’armée, nota Jodl, parce qu’Hitler avait demandé
des troupes pour l’opération au Nord. Le lendemain, Gœring « tempêtait »
contre Keitel et allait se plaindre à Hitler. Le gros feld-maréchal était
furieux d’avoir été tenu si longtemps à l’écart et parce que l’aviation
destinée à l’opération avait été placée, sous le commandement de Falkenhorst. Menacé
d’un grave conflit d’attribution, Hitler convoqua les chefs des trois armes à
la Chancellerie le 5 mars, pour aplanir les choses, mais ce fut difficile.
Le feld-maréchal (Gœring) donne libre cours à sa mauvaise
humeur (écrivit Jodl dans son journal) parce qu’il n’a pas été consulté. Il
domine la discussion et essaie de prouver que tous les préparatifs précédents
ne servent à rien.
Le Führer l’adoucit par quelques petites concessions, et les
plans suivent leur cours. Dès le 21 février, Halder, d’après son journal, avait
eu l’impression que l’attaque du Danemark et de la Norvège ne commencerait pas
avant que l’offensive ne fût déclenchée à l’Ouest et « conduite à un
certain point ». Hitler lui-même se demandait à quelle opération donner la
priorité et posa la question à Jodl le 26 février. L’avis de Jodl était de
séparer complètement les deux opérations et Hitler l’admit « si c’était
possible ».
Le 3 mars, il décida que l’opération Weser précéderait l’ « Opération
Jaune » (nom-code de l’attaque à l’Ouest) et exprima « très fermement »
à Jodl « la nécessité d’une prompte et énergique action en Norvège ».
A cette époque l’armée finlandaise, courageuse mais pauvre en effectifs et en
armes, se trouvait au bord du désastre, par suite d’une offensive massive des
Russes : des rapports bien fondés annonçaient que le corps expéditionnaire
anglo-français était prêt à quitter ses bases d’Ecosse et à s’embarquer pour la
Norvège qu’il traverserait ainsi que la Suède pour se porter au secours des
Finlandais [39] .
Cette menace fut la raison majeure de la hâte d’Hitler.
Mais, le 12 mars, la guerre russo-finlandaise se termina
brusquement, la Finlande acceptant les dures conditions de paix de la Russie. Si
cette issue fut généralement bien accueillie à Berlin parce qu’ainsi l’Allemagne
était libérée de son rôle impopulaire de « supporter » des Russes, et
qu’elle mettait également fin, pour le moment, aux visées soviétiques sur la
Baltique, elle embarrassa toutefois Hitler en ce qui concernait son aventure
Scandinave. Comme le confia Jodl à son journal, la « justification »
de l’occupation de la Norvège et du Danemark était devenue « difficile ».
« La conclusion de la paix entre la Finlande et la Russie, notait-il le 12 mars,
prive l’Angleterre, mais nous aussi, de toute raison politique d’occuper la
Norvège. »
En fait, Hitler trouvait difficilement une excuse. Le 13 mars,
le fidèle Jodl notait que le Führer « cherchait
encore une justification ». Le lendemain : « Le Führer n’a pas encore trouvé comment justifier l’ « opération Weser. » Pour aggraver encore les choses, l’amiral Raeder
commençait à se refroidir. Il « se demandait s’il fallait toujours tenir
autant à une guerre préventive (?) en Norvège (16) ».
Pour l’instant, Hitler hésitait. Deux autres problèmes s’étaient
présentés entre-temps. 1 °Comment manœuvrer avec Sumner Welles, le
sous-secrétaire d’État américain, qui était arrivé le 1er mars à Berlin,
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