Le Troisième Reich, T2
solide et durable en Europe ». Si telles étaient
les pensées du dictateur italien, il était temps alors, calculèrent les
Allemands, de les modifier. La paix, oui, mais seulement après une
retentissante victoire allemande à l’Ouest.
L’omission, par Hitler, de toute réponse à la lettre de
Mussolini du 3 janvier avait empli le Duce d’une contrariété qui allait
croissant. Pendant tout le mois, l’ambassadeur Attolico s’était enquis auprès
de Ribbentrop de la date à laquelle on pouvait espérer une réponse, tout en
insinuant que les relations de l’Italie avec la France et l’Angleterre – et leur
commerce de surcroît – s’amélioraient.
Ce commerce, qui comprenait la vente par l’Italie de matériel de
guerre, agaçait les Allemands, qui protestaient constamment à Rome contre l’incorrection
constituée par l’aide aux Alliés occidentaux. L’ambassadeur von Mackensen
persistait à transmettre ses « sérieuses inquiétudes » à son ami
Weizsaecker, et celui-ci craignait que, si la lettre de Mussolini restée sans
réponse était plus longtemps « méprisée », cela ne donnât au Duce « toute
liberté d’action » – lui et l’Italie pourraient être perdus pour de bon (23).
Puis, le 1er mars, Hitler eut une chance. Les Anglais
annoncèrent qu’ils coupaient le transit par mer du charbon allemand via
Rotterdam pour l’Italie. C’était un coup dur pour l’économie italienne, qui mit
le Duce en rage contre les Britanniques et réchauffa ses sentiments à l’égard
des Allemands. Ceux-ci promirent avec empressement de trouver le moyen de faire
parvenir leur charbon par voie ferrée. Profitant de cette circonstance, Hitler
écrivit le 8 mars une longue lettre à Mussolini, que Ribbentrop remit
personnellement à Rome deux jours plus tard (24).
Elle ne contenait aucune excuse pour son retard, mais était d’un
ton cordial et entrait dans de multiples détails sur les pensées et la
politique du Führer à propos de presque tous les sujets imaginables ; elle
était encore plus diffuse que les lettres précédentes d’Hitler à son partenaire
italien. Elle défendait l’alliance des nazis avec la Russie, l’abandon des
Finlandais, la non-évacuation de la Pologne, même démembrée.
Si j’avais retiré les troupes allemandes du Gouvernement
général, cela n’aurait pas apporté la pacification de la Pologne, mais un
horrible chaos. Et l’Église n’aurait pu remplir sa mission de louer le Seigneur,
car les prêtres auraient eu la tête tranchée…
Quant à la visite de Sumner Welles, poursuivait Hitler, elle n’a
rien changé. Il était toujours décidé à attaquer à l’Ouest. Il se rendait
compte « que la bataille à venir ne serait pas une promenade, mais le plus
farouche combat de l’histoire de l’Allemagne… une lutte à mort ».
Et, là, Hitler recourut aux grands moyens pour entraîner
Mussolini dans la guerre.
A mon sens, Duce, il ne fait aucun doute que l’issue de
cette guerre décidera de l’avenir de l’Italie… Vous vous trouverez un jour en
face des mêmes adversaires qui combattent l’Allemagne aujourd’hui… Moi aussi, je
vois la destinée de nos deux pays, de nos peuples, de nos révolutions et de nos
régimes indissolublement liée…
Enfin, laissez-moi vous assurer qu’en dépit de tout je crois
que tôt ou tard le destin nous forcera à combattre côte à côte, c’est-à-dire
que vous ne voudrez pas vous dérober à ce choc des armes, quels que soient les
aspects particuliers que la situation peut présenter aujourd’hui, et que votre
place sera plus que jamais à nos côtés, tout comme la mienne sera aux vôtres.
Flatté, Mussolini assura aussitôt Ribbentrop que sa place était
aux côtés d’Hitler « sur la ligne de feu ». De son côté, le ministre
des Affaires étrangères flagorna son hôte sans tarder. Le Führer, dit-il, était
« profondément révolté par les récentes mesures britanniques de bloquer le
transport par mer du charbon allemand en Italie ». Quels étaient les
besoins en charbon de l’Italie ? De 500 000 à 700 000 tonnes par
mois, répliqua Mussolini. L’Allemagne était prête dès à présent, répondit
Ribbentrop avec volubilité, à fournir 1 million de tonnes par mois et
procurerait la plus grande partie des wagons nécessaires.
Il y eut d’interminables rencontres entre les deux, en présence
de Ciano, les 1er et 2 mars, et les minutes sténographiées du
Weitere Kostenlose Bücher