Le Troisième Reich, T2
sûr, tenait
toujours en dessous de la Somme et de l’Aisne. Mais ses meilleures troupes et
son meilleur armement avaient été sacrifiés en Belgique et dans le Nord ; son
aviation, faible et désuète, avait été en grande partie détruite, et ses deux
plus illustres généraux, le maréchal Pétain et le général Weygand, qui
commençaient à dominer le gouvernement chancelant, hésitaient à se battre contre
un ennemi aussi manifestement supérieur.
Ces sombres réalités étaient très présentes à l’esprit de
Winston Churchill quand il se leva à la Chambre des Communes le 4 juin
1940, tandis que les derniers transports de Dunkerque étaient déchargés. Il
était résolu, comme il l’écrivit plus tard, à montrer non seulement à son
peuple mais au monde – et spécialement aux États-Unis – « que notre
résolution de continuer la lutte était fondée sur des motifs graves ». C’est
à cette occasion qu’il prononça sa fameuse péroraison dont on se souviendra
longtemps et qui compte parmi les plus nobles qu’on ait jamais prononcées :
Bien que de vastes étendues de l’Europe et plusieurs
nations glorieuses et respectées soient tombées ou risquent de tomber dans les
griffes de la Gestapo et sous l’odieuse férule de la domination nazie, on ne
nous verra ni faiblir ni faillir. Nous irons jusqu’au bout, nous nous battrons
en France, nous nous battrons sur les mers et sur les océans, nous nous
battrons avec toujours plus d’assurance et toujours plus de force dans les airs,
nous défendrons notre Ile, quoi qu’il puisse nous en coûter, nous nous battrons
sur les grèves, nous nous battrons dans les champs et dans les rues, nous nous
battrons sur les collines, nous ne nous rendrons jamais. Et même s’il arrivait,
ce que je ne crois pas un seul instant, que cette Ile fût réduite tout entière
ou en partie en esclavage et condamnée à la famine, alors notre Empire au-delà
des mers, armé et protégé par la flotte britannique, poursuivrait la lutte jusqu’à
l’heure choisie par Dieu, où le Nouveau Monde, avec toute sa puissance et
toutes ses forces, s’élancera pour sauver le Vieux Monde et lui rendre la
liberté.
L’EFFONDREMENT DE LA FRANCE
La résolution des Anglais de poursuivre la lutte ne semble pas avoir
troublé les idées d’Hitler. Il était sûr qu’elles porteraient leurs fruits
quand il en aurait terminé avec la France, ce qu’il s’apprêtait à faire. Le
matin qui suivit la chute de Dunkerque, le 5 juin,
les Allemands lancèrent un assaut massif sur la Somme et bientôt ils
attaquaient avec des forces écrasantes sur toute la longueur d’un front de 650
kilomètres qui traversait la France depuis Abbeville jusqu’au Haut-Rhin. Les
Français étaient condamnés. Contre 143 divisions allemandes, dont dix blindées,
ils ne pouvaient déployer que 65 divisions, la plupart de second ordre, car les
meilleures unités et la plus grande partie des blindés avaient été sacrifiés en
Belgique. Il ne restait plus grand-chose de la faible aviation française.
Les Anglais ne pouvaient fournir qu’une division d’infanterie, qui
se trouvait en Sarre, et les fragments d’une division blindée. La R. A. F. ne
pouvait disposer que de quelques avions pour cette bataille, sinon elle aurait
laissé les Iles Britanniques sans défense. Enfin le haut commandement français,
dominé à présent par Pétain et Weygand, était imprégné de défaitisme. Néanmoins
quelques unités françaises se battaient avec grande bravoure et ténacité, arrêtant
temporairement ici et là les blindés allemands, et supportant résolument l’incessant
pilonnage de la Luftwaffe.
Mais c’était une lutte inégale. Dans une « victorieuse
confusion », comme Telford Taylor l’a dit justement, les troupes
allemandes déferlèrent sur la France comme un raz de marée ; elles étaient
si nombreuses et se déplaçaient si vite que souvent elles se barraient
mutuellement le passage, d’où la confusion (20). Le 10 juin, le
gouvernement français quitta Paris en hâte, et le 14 juin la grande
capitale, gloire de la France, à présent ouverte, fut occupée par la XVIIIe
armée du général von Küchler. La croix gammée fut
immédiatement hissée sur la tour Eiffel. Le 16 juin, Paul Reynaud, dont le
gouvernement s’était replié à Bordeaux, donna sa démission et fut remplacé par
le maréchal Pétain qui, le lendemain, par l’intermédiaire de l’ambassadeur
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