Le Troisième Reich, T2
conditions
de paix finales pourraient être très différentes – devraient être modérées. On
proposerait de garder « un gouvernement français en fonction sur le sol
français » et « la flotte française neutralisée ». Hitler
repoussa brutalement les demandes de Mussolini : occupation de la vallée
du Rhône, y compris Toulon et Marseille, désarmement de la Corse, de la Tunisie
et de Djibouti. Le nom de cette dernière ville, porte de l’Ethiopie sous
protectorat italien, Ciano le prononça « à mi-voix », disent les
notes allemandes.
Même le belliqueux Ribbentrop, selon Ciano, se montra « exceptionnellement
modéré, calme et favorable à la paix ». Mussolini, nota son gendre, était « très
embarrassé ».
Il sent que son rôle est secondaire… En vérité, le Duce
craint que l’heure de la paix ne sonne bientôt et il voit s’évanouir une fois
de plus cet inaccessible rêve de sa vie : la gloire sur le champ de
bataille (25).
Mussolini fut même incapable d’obtenir d’Hitler l’autorisation
de se joindre aux négociations avec les Français. Le Führer n’allait pas
partager son triomphe dans un lieu historique (il refusa de le nommer à son ami)
avec cet allié de la onzième heure. Mais il promit au Duce que son armistice
avec la France ne prendrait effet que lorsque les Français en auraient signé un
avec l’Italie.
Mussolini quitta Munich amer et frustré, mais Ciano avait ététrès favorablement impressionné par un aspect d’Hitler que, son journal
le met en évidence, il n’avait pas observé auparavant, ni même soupçonné.
De tout ce qu’il (Hitler) dit (écrit-il dans son journal
pendant son retour à Rome), il ressort nettement qu’il veut agir rapidement
pour tout terminer. Hitler est maintenant le joueur qui a ramassé un gros gain
et qui voudrait quitter la table sans risquer davantage. Aujourd’hui, il parle
avec une réserve et une perspicacité qui, après une telle victoire, sont réellement
étonnantes. Je ne puis être accusé de tendresse excessive à son égard, mais
aujourd’hui je l’admire sincèrement (26).
LE SECOND ARMISTICE DE COMPIÈGNE
J’ai suivi l’armée allemande à Paris pendant ce mois de juin, le
plus joli mois dans cette belle capitale, si durement humiliée à présent. Le 19,
j’eus vent du lieu où Hitler allait dicter les conditions de l’armistice que
Pétain avait demandé deux jours plus tôt. Ce devait être au même endroit que le
11 novembre 1918, lorsque l’Empire allemand avait capitulé devant la
France et ses alliés, dans la petite clairière de Rethondes, en forêt de
Compiègne. Là, le Seigneur de la Guerre aurait sa revanche, et le lieu lui
conférait encore plus d’attraits. L’idée lui en était venue le 20 mai, dix
jours après le début de la grande offensive, et alors que les chars
atteignaient Abbeville.
Jodl note dans son journal de ce jour : « Le Führer travaille au traité de paix… Premières négociations en
forêt de Compiègne. » Tard dans l’après-midi du 19 juin, je m’y
rendis et trouvai le génie allemand en train de démolir le mur du musée où l’on
avait conservé le vieux wagon-lit du maréchal Foch, dans lequel l’armistice de
1918 fut signé. Quand je partis, les soldats avaient abattu le mur au moyen de
foreuses à air comprimé et ils tiraient le wagon au centre de la clairière, à l’endroit
exact, dirent-ils, où il se trouvait le 11 novembre 1918, à cinq heures, quand,
sur l’injonction de Foch, les émissaires allemands signèrent la convention.
C’est ainsi qu’en cet après-midi du 21 juin, je me tenais à
la lisière de la forêt de Compiègne pour observer le dernier et le plus grand
triomphe d’Hitler. C’était une des plus charmantes journées d’été dont je me
souvienne en France. Un chaud soleil frappait les arbres magnifiques – ormes, chênes,
cyprès et pins – qui répandaient d’agréables ombrages sur les avenues
conduisant à la petite clairière circulaire. A quinze heures quinze précises, Hitler
arriva dans sa grosse Mercedes, accompagné de Gœring, Brauchitsch, Keitel, Raeder,
Ribbentrop et Hess, tous en uniformes différents. Gœring, le seul Feldmarschall du Reich, jouait avec son
bâton de maréchal. Ils descendirent de leurs autos 200 mètres plus loin, devant
la statue de l’Alsace-Lorraine, qui était drapée de pavillons de guerre
allemands pour que le Führer ne puisse voir la grande épée
des Alliés
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