Le vétéran
montagne et il approchait rapidement. Les jeunes Cheyennes se sont dispersés vers les arbres. Mais le petit wasichu a visé avec précaution et a ouvert le feu. La balle est passée sous la gueule de l'ours et l'a frappé au poitrail. Il s'est dressé sur ses pattes arrière, aussi haut qu'un sapin, et même à moitié mort il continuait à
avancer.
´ Le jeune Blanc a retiré la cartouche vide pour recharger son arme. Il a tiré un nouveau coup de feu. La seconde balle est entrée par la gueule rugissante et a troué le palais avant de faire exploser le cerveau. Un pas de plus et l'ours s'est effondré en avant. Son énorme tête est tombée si près que les genoux du garçon ont été éclaboussés de sang et de salive.
Pourtant, il n'a pas bronché.
Ús ont envoyé un messager au village pour alerter les braves, qui sont venus avec un travois. Ds ont dépecé le monstre et ont 254
rapporté la fourrure pour en faire une couverture destinée au père de mon cousin. Ensuite, ils ont célébré l'événement et donné un nouveau nom au garçon : Celui-qui-tue-les-ours-sans-peur. Il a reçu en même temps la plume blanche du chasseur. C'est ce qui s'est raconté dans mon village cent lunes avant que nous soyons envoyés dans les réserves.
Les chefs approuvèrent de la tête. C'était une bien belle histoire. Un groupe partit alors à dos de poney. Deux hommes que Craig n'avait jamais vus s'approchèrent du feu. ¿ en juger par leurs chevelures tressées et ornées, c'étaient des Cheyennes.
L'un d'eux était Little Wolf, qui raconta qu'en chassant à l'est de la rivière il avait vu des panaches de fumée s'élever au-dessus de la Rosebud.
¿ l'issue de ses recherches, il avait découvert des femmes et des enfants massacrés. Là, il avait entendu revenir les Tuniques Bleues, qu'il avait suivies un jour et une nuit, jusqu'à ce qu'ils atteignent le campement dans la vallée. Mais il était arrivé trop tard pour la grande bataille.
quant au second, il s'agissait de Tall Elle. Rentré de la chasse après le passage de la colonne principale, il pleurait encore les femmes et les enfants assassinés lorsque sa fille était réapparue. Blessée mais toujours en vie. Avec les neuf autres braves ˚ avait chevauché toute la nuit et tout le jour pour trouver le camp des Cheyennes. Arrivés juste avant la bataille, ils y avaient pris part avec la plus grande ardeur. Tall Elk avait cherché la mort sur la colline de Custer, tuant cinq soldats blancs, mais le Grand Manitou n'avait pas voulu de lui.
La fille sur le travois fut la dernière à s'exprimer. P‚le, tourmentée par sa blessure, elle parla cependant avec clarté.
Elle raconta le carnage, évoquant le grand homme avec des galons sur la manche. Elle ne connaissait pas sa langue, mais elle avait deviné ce qu'il comptait lui faire avant sa mort. Elle rapporta que l'homme vêtu de peau de daim lui avait donné à boire, et qu'après son repas, il l'avait hissée sur un poney pour la renvoyer vers son peuple.
Les chefs se concertèrent. Ce fut Sitting Bull qui rendit le jugement, mais le verdict était collectif. Le wasichu aurait la vie sauve, mais il ne retournerait pas auprès des siens. Ou bien ces derniers le tueraient, ou bien il leur révélerait la position des Sioux. On le confierait donc à Tall Elk, qui le traiterait en prisonnier ou en
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hôte. Au printemps, il pourrait recouvrer sa liberté ou rester parmi les Cheyennes.
Autour du feu, les braves marmonnèrent leur approbation. La décision était juste. Craig regagna à cheval le tipi qu'on lui avait attribué, o˘ il passa la nuit sous la garde de deux braves. Au matin, l'immense campement se prépara pour le départ. Comme les éclaireurs rentrés à l'aube annonçaient la présence de nombreuses Tuniques Bleues côté nord, ils résolurent de se diriger vers le sud et les Bighorn Mountains. Ils verraient bien si les visages-p‚les les prenaient en chasse.
Une fois qu'il eut accepté Craig dans son clan, Tall Elk se montra généreux. Lorsqu'ils trouvèrent quatre chevaux de l'armée indemnes, il lui laissa choisir le sien. Les Indiens ne leur accordaient pas beaucoup de valeur, préférant leurs courageux poneys. En effet, les chevaux parvenaient rarement à s'adapter aux hivers rigoureux des Plaines. Ils avaient besoin de foin - que les Indiens ne ramassaient pas - et avaient grand mal à
passer l'hiver en mangeant du lichen, de la mousse et de l'écorce de saule comme les poneys.
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