Le vétéran
côte.
Dans les trois cabines, les passagers affichaient cet air d'impatience contenue qui précède toujours un atterrissage. On avait rallumé les lumières, ramassé et rangé les plateaux du petit déjeuner, et interrompu la diffusion des vidéos. Hôtesses et stewards avaient remis leur veste d'uniforme et distribuaient leurs vêtements aux passagers de première et de la classe club. Les voyageurs placés côté hublot regardaient d'un oil las le défilé des lumières qui brillaient au-dessous d'eux.
Hugo Seymour sortit des lavabos, lavé, rasé et coiffé, laissant dans son sillage le parfum d'un luxueux after-shave. H alla se rasseoir pour rajuster sa cravate et boutonner son gilet. Il reprit 208
sa veste de soie crème, qu'il garda pliée sur ses genoux. Son porte-documents en crocodile était posé entre ses pieds.
Dans la cabine de la classe touriste, le hippie fatigué s'agitait sur son siège, impatient de fumer une cigarette. Assis côté allée, il ne pouvait rien voir à travers le hublot et ne se tourna même pas. quatre rangées derrière lui, la famille Higgins s'était réveillée, prête pour l'atterrissage. Installée entre ses parents, Julie détaillait à sa poupée les merveilles qui l'attendaient dans son nouveau pays, tanc˚s que sa mère fourrait toutes ses affaires dans son bagage à main. Toujours soigneux, Mr Higgins tenait sa serviette en plastique sur ses genoux, les mains croisées dessus. H se sentait soulagé à l'idée du devoir accompli. Sur l'écran en face de lui, le petit avion blanc décrivit un arc de cercle et pointa le nez vers Heathrow. Il restait vingt miles avant l'atterrissage, et il était six heures douze.
Depuis le cockpit, l'équipage voyait les champs du Berkshire, encore plongés dans l'obscurité, et le ch‚teau de Windsor tout illuminé. Une fois le train d'atterrissage sorti, les volets hypersus-tentateurs s'inclinèrent jusqu'aux vingt-cinq degrés réglementaires. Vu du sol, Speedbird One Zéro avait l'air de planer, quasiment immobile, sur les derniers miles qui le séparaient de la terre ferme. En réalité, il volait encore à cent soixante-dix kilomètres-heure, même s'il perdait de l'altitude et de la vitesse.
Après quelques ultimes vérifications, Adrian Fallon avertit la tour de contrôle de Heathrow qu'il était prêt à atterrir. Un Boeing en provenance de Miami venait de dégager la piste, et un avion de la Northwest Airlines arrivant de Boston le suivait à dix miles de distance. Cependant, leurs passagers seraient acheminés vers le terminal numéro 3. Pour le numéro 4 -
terminal attitré de la British Airways - ce serait le premier avion de la matinée. Survolant le réservoir de Welsh Harp, l'avion descendit de trois cents mètres et passa à une vitesse de cent trente-huit kilomètres-heure -
la vitesse requise pour l'atterrissage. Speedbird One Zéro toucha le sol à
six heures dix-huit. Dix minutes plus tard, Adrian Fallon immobilisa l'énorme jet devant le tunnel de sortie, freina et laissa son copilote éteindre les réacteurs. En s'arrêtant, les réacteurs et le groupe auxiliaire de puissance firent vaciller brièvement les lumières, qui retrouvèrent aussitôt leur éclat. ¿ l'avant de l'appareil, le personnel de cabine regardait se rapprocher le
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boyau béant du tunnel. Lorsqu'il fut fixé au flanc de l'appareil, ils purent ouvrir la porte. Juste derrière se tenait un employé de l'aéroport en combinaison de travail. Repérant Harry Palfrey, il haussa les sourcils.
- Vous êtes le chef de cabine ?
- C'est pour le message ?
Le jeune homme fit oui de la tête. Palfrey lui glissa les deux feuillets et il disparut aussitôt. Avec un sourire de circonstance, le chef de cabine se tourna vers les passagers de première classe qui attendaient derrière lui.
- Au revoir monsieur, j'espère que vous avez fait bon voyage.
Us commencèrent à défiler devant lui. Le huitième à passer fut l'impeccable Hugo Seymour. Au milieu de ces gens débraillés, sa mise irréprochable le classait définitivement parmi les personnes de qualité. Harry Palfrey espérait sincèrement qu'il n'avait pas été incommodé par un imbécile de la classe touriste.
Aux passagers de première succédèrent ceux de la classe club, venus de l'arrière de l'appareil ou dégringolant les marches de la cabine supérieure. Tout au fond du Boeing, les voyageurs de la classe touriste s'étaient levés et jouaient déjà des coudes dix minutes avant
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