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Le Voleur de vent

Le Voleur de vent

Titel: Le Voleur de vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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vous voit point à la Cour, que vous
ne quémandez aucun avantage, vous contentant de servir le royaume en grand
courage, modestie et loyauté sans faille. Je suis fier de vous, amiral.
    « Qu’ai-je dit là, et avec quelle passion ! »
songea le roi, atterré. Car ainsi était Henri quatrième que chez lui, la
fausseté ne l’emportait jamais bien longtemps, la sincérité reprenant vite le
dessus.
    Mais il se dit alors qu’en laissant aller son
cœur, il avait fait avancer sa cause qui consistait à égarer Nissac si bien que
parfois, sans qu’elle le désire, la vérité sert le mensonge.
    Le roi entendit vaguement réponse marmonnée
par Nissac, où l’on distinguait les mots « naturel », « devoir »
et « Sire ».
    Il reprit :
    — On m’a dit, Nissac, comme vous aviez
humilié le roi d’Espagne à quatre reprises en très peu de temps. Tout d’abord, en
reprenant aux barbaresques, le sabre à la main, les deux beaux galions que des
capitaines maladroits ou lâches avaient perdus. Je sais aussi que vous avez
remis à la couronne trésor auquel Philippe III, en sa grande avarice et
son besoin désespéré d’or pour l’entretien de ses troupes et lointaines
garnisons, doit rêver toutes les nuits, et c’est là sa seconde humiliation. La
troisième fut cette course où, montant un cheval aveugle qu’on allait livrer au
boucher, vous avez battu meilleurs cavaliers et chevaux d’Espagne !… Un
cheval aveugle !… Pourquoi pas un cheval à trois pattes ?
    Il rit en grande sincérité car, malgré ses
sombres desseins, le roi de France appréciait follement la chose, ajoutant :
    — Tous ces Espagnols de l’Escurial, de
noir vêtus et l’allure sinistre, vont en manger leur chapeau, à moins que la
rage ne les étouffe.
    Enfin, prenant ton de la confidence à demi
murmurée, il ajouta avec perfidie :
    — Et la quatrième humiliation !… Ventre
bleu, Nissac, vous êtes fort !… Même leurs femmes !
    Le roi nota aussitôt légère crispation de l’amiral
quand la baronne, brusquement aux aguets, dressait l’oreille. Il sentit alors
qu’ici, mettre un peu de sel sur les plaies participerait au bon avancement de
ses affaires.
    — Nous savons que vous avez séduit la
magnifique duchesse Inès de Medina Sidonia, une des plus nobles familles d’Espagne.
    — Sire !… protesta Nissac.
    Levant la main, le roi ne laissa point
poursuivre Nissac, ajoutant sans quitter Isabelle des yeux :
    — Dieu qu’elle est belle !… Séduite
sur le navire !… Ah, Nissac, comme les Espagnols doivent vous bien haïr !
    La baronne, les larmes aux yeux, mais qu’elle
contenait pourtant avec un émouvant courage, tourna son visage vers la Seine. Nissac,
bien qu’il semblât accablé, piaffait d’impatience en l’envie où il se trouvait
de répondre.
    Henri quatrième fut brusquement sincèrement
désolé. Il voulait agacer, il consternait. Il avait souhaité irriter, il
plongeait deux êtres en profond chagrin d’amour. Il n’avait point désiré cela
car chez cet homme qui méditait davantage projet de nuire que réalisation d’un
tel vœu, attaquer en les affaires d’amour pouvait s’assimiler à un désaveu de
sa propre existence. Trop de femmes, trop de peines légères ou de chagrins
réels l’avaient disposé en grande compréhension du sentiment amoureux et ses
dispositions le poussaient davantage à aider les couples qui s’aimaient qu’à
les séparer.
    Aussi laissa-t-il volontiers parler le comte
de Nissac :
    — Sire, il est des cas où il convient de
repousser mêmement les flatteurs et les méchants. Celui qui vous a conté cela
était en vilaine malice, et sans doute faisait-il le rieux pour mieux cacher
son âme sombre.
    « Il me gâte !… Voici à présent que
je suis “un rieux à l’âme sombre”. Pourtant, la phrase est bien tournée ! »
songea le roi qui hocha la tête d’un air compréhensif.
    Il était rarissime de voir monsieur de Nissac
en colère, c’est à peine si la chose arrivait une fois tous les cinq ans et le
roi comme la baronne eurent la conviction qu’ils ne reverraient point pareil
spectacle de sitôt.
    Mais Nissac, d’ordinaire si peu bavard, parlait
à présent d’une voix maîtrisée, qui n’en était que plus impressionnante :
    — Je les connais, ces langues de scorpion
et ces cœurs de vipère aux yeux de basilic. Ils trompent l’ennui par l’usage de
la calomnie. Le premier chauffe-cire venu peut ainsi

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