Le Voleur de vent
la
clé ouvragée en secret, l’habileté à brouiller les pistes en son récent
parcours, tout prouvait que « Jaune » était loup-garou de très grand
talent ne pouvant commettre semblable erreur et pas davantage espérer que les
villageois lui feraient quartier.
« Jaune » se vengeait en se
soustrayant au châtiment qu’il lui voulait infliger. Résigné, le moine sans
visage lança :
— Il a choisi sa mort, nous ne pouvons
plus rien.
Et, entouré du policier et des trois autres
loups-garous, il regarda.
46
Les deux hommes aperçus en allures de
comploteurs et qui guettaient le comte de Nissac n’en étaient point, ou bien
alors pour la bonne cause en les fins dernières de ce complot.
Et l’un d’eux, au moins, connaissait et aimait
l’amiral des mers du Levant.
Allaient ainsi en les jardins des Tuileries le
baron Stéphan de Valenty et son cousin, Luc de Fuelde, abbé à la Cour, auquel
il était très lié, tous deux ayant grandi ensemble. Cependant, si Fuelde se trouvait
proche du Père Joseph et de Richelieu – qui sera duc à la mort de son frère –, Valenty
l’ignorait encore.
Bien que le comte de Nissac et les hommes du Dragon Vert eussent brisé ses chaînes depuis quelque temps déjà, Valenty
appréciait chaque instant de sa liberté retrouvée mais ce jour, la joie qui lui
était coutumière se trouvait ternie par l’attitude de Luc qui semblait en
situation d’anxiété, et courait peut-être quelque péril.
Valenty décida d’aller au fait.
— Eh bien, à la fin, Luc, pourquoi cet
air sombre ? Et pourquoi veux-tu parler à l’amiral de Nissac ?
Luc de Fuelde s’immobilisa et lui jeta un
regard triste.
— Pourrais-tu le comprendre ?
— En aucun cas si tu ne me l’expliques
point.
Luc de Fuelde hésita longuement, puis :
— Je sers un prince de l’Église avec
dévouement, car c’est homme de Dieu juste, subtil, ayant le sens du royaume
comme tu le verras un jour sans doute. Les circonstances en lesquelles il en
vint à apprendre terribles choses et grand complot contre la personne du roi
sont si compliquées, et au reste peu indispensables à la compréhension de la
chose, que je préfère ne te les point conter, le principal étant ce complot en
lui-même.
— Hé, que ne t’en vas-tu avec ce grand
personnage trouver le roi et lui dire la chose ainsi que tu viens de me la
raconter ?
— Tu le sais sans doute, des complots, il
en est tous les jours et le roi s’est lassé de ces alertes nombreuses et
presque toujours vaines car ces mauvaises actions restent souvente fois en l’état
d’imaginations sans que leurs auteurs fassent autre chose qu’en parler avec d’autres
pour se soulager de ce qu’ils n’entreprendront jamais.
— Mais pourquoi en fais-tu si grand cas, ce
complot n’est sans doute point différent des autres fomentés par quelque fol
qui confond les mots et les dagues ?… Ou bien… Pourquoi le serait-il ?
— Parce que celui-ci, tout spécialement
celui-ci, implique hauts personnages dont tu ne peux imaginer la puissance. Le
jour où le roi a signé à Nantes un édit autorisant les réformés à pratiquer
leur culte dans le royaume, il a signé sa perte. Jamais dans l’histoire des
hommes pareille chose ne s’est faite car il ne faut point s’y tromper, c’est la
liberté de conscience qu’il a autorisée. Et crois-moi, il faudra des siècles
avant que les peuples l’admettent. En attendant, c’est le pouvoir des grands qu’il
a ébranlé, et ceux-ci sont résolus à le lui faire payer.
— Le roi a des ennemis chez les humbles
comme chez les grands, mais cela n’est point nouveau.
— Il est nouveau qu’ils se réunissent en
lieu secret…
— Ah çà, que ne faites-vous surveiller l’endroit ?
— Parce qu’il est toujours différent.
— Soit. Si vous ne pouvez contrôler ce
lieu, surveillez certains de ceux qui s’y rendent et ils vous y mèneront.
— L’évêque que je sers n’est point homme
de police et se méfie de tous. Il craint autant les traîtres que les maladroits.
Une action trop vive, trop précipitée, pourrait faire échouer la résolution où
nous sommes de les faire prendre ensemble afin que tous soient châtiés et, s’il
n’en reste plus un, le danger sera moins grand que la machination se répète
quelque jour prochain.
— C’est entendu ainsi, mais serez-vous
long à les démasquer tous ?
— Presque chacune de leurs réunions
secrètes est occasion
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