Le Voleur de vent
baronne :
— Isabelle, avec les vôtres, détruisez ce
maudit château. Nous nous retrouverons sur les berges de la Garonne.
Tandis que la baronne, Valenty, Fey des Étangs
et trois fantassins des troupes d’assaut – deux avaient été tués – tiraient les
mulets chargés de tonnelets de poudre vers le château de Cadillac, l’amiral de
Nissac et ses deux compagnons se lançaient aux trousses des spadassins.
Mais, cette fois encore, le déconcertant seigneur
Yasatsuna surprit son monde. Ainsi, bien qu’il fût de petite taille, portant
singulières chaussures en peau d’ours à semelles cloutées, il courait très vite.
Si vite, même, qu’il distança ses compagnons, le comte de Nissac et le
capitaine de Sousseyrac, inquiets, voyant disparaître en les très hautes herbes
le seigneur Yasatsuna toujours coiffé de son casque terrifiant et armé de son
long sabre appelé « Katana » en son lointain pays.
Mais bien que l’amiral et le géant Sousseyrac
n’eussent qu’un désir, porter assistance à leur ami venu du pays du Soleil
Levant, ils ralentirent leur course et bientôt s’arrêtèrent, tant ce qu’ils
voyaient ne ressemblait à rien de connu ici-bas.
Ainsi, jaillissant des hautes herbes où l’on
ne voyait rien, et montant en l’espace jusqu’à hauteur d’une toise, voyait-on, comme
jetées en l’air, et à rapide cadence, têtes de spadassins sans doute rattrapés
et décapités par coups de sabre prodigieux du seigneur Yasatsuna.
— On ne nous croira jamais !… murmura
le capitaine de Sousseyrac en grand abattement à cette perspective.
— C’est que la chose est bien singulière !…
plaida l’amiral.
À cet instant, on entendit quatre très fortes
explosions venant du château de Cadillac.
Sans plus d’inquiétude pour leur étonnant ami,
ils se rapprochèrent et bientôt, Yasatsuna apparut, souriant. Aussitôt, il s’enquit
sur ton de grande éructation qui ici passerait pour colère mais était sa façon
familière de parler :
— Vous pas perdu moi ?
— On peut en quelque sorte vous suivre à
la trace !… répondit l’amiral.
À cette réponse, Sousseyrac fut pris d’un
grand rire en lequel entrait peut-être une part de nervosité.
Yasatsuna expliqua, radieux :
— Usage veut que l’on décapite ennemi.
— N’est-ce point fatigant, pour homme tel
que vous, qui n’êtes point économe en l’extermination ?
— À la guerre, il ne faut jamais penser à
soi-même, et point non plus à la fatigue. Fatigue, mort, au combat, il faut
mépriser tout cela.
Nissac, voyant apparaître colonne de deux
cents paysans armés de fourches et de faux, répondit :
— Sans doute, mais le temps presse, et il
nous faut retourner au château.
Le seigneur Yasatsuna, ravi, demanda au comte
comme s’il s’agissait d’un jeu des plus plaisants :
— Combat sans espoir de retour ?… Très
agréable !… Honneur et mort, bon mariage !…
Guère davantage pressé que le fils du Soleil
Levant, malgré le danger qui se rapprochait, l’amiral de Nissac répondit :
— Intéressant. Je m’en vais cependant
vous montrer, si vous le permettez, ma conception de l’honneur… dans la survie,
si la chose est possible.
— Cela en effet très passionnant !… répondit
Yasatsuna qui, pas davantage que le comte, ne s’était aperçu que le baron de
Sousseyrac, voyant arriver foule de paysans armés qui leur voulait faire très
mauvais parti, ressentait malaise certain.
Bientôt, les trois hommes retournèrent vers le
château de Cadillac qui brûlait en plusieurs endroits…
62
En la rive de la Garonne où le bateau de
commerce se trouvait amarré à un saule au tronc épais, on était en grande
impatience et commençait, le temps passant et ne voyant rien venir, à redouter
qu’il ne fût advenu le pire au comte de Nissac et à ses compagnons. On
entendait en effet sonner le tocsin sans interruption et monter la clameur des
paysans qui voulaient tuer sur-le-champ ceux qui avaient provoqué incendie en
le château de Cadillac et envoyer en l’au-delà hommes du duc d’Épernon.
De tous, la baronne de Guinzan était la plus
impatiente, ne tenant point en place alors que Fey des Étangs, monté sur le
cheval d’un spadassin mort, avait été en reconnaissance et constaté arrivée sur
les lieux de centaines de villageois tandis que de l’amiral et de ses
compagnons, il n’était nulle trace.
— Où sont-ils donc ?…
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