Le Voleur de vent
perdait pied à
proportion de son amour, s’accablait alors de reproches pour une chose qui ne
fut point, mais aurait seulement pu être.
En revanche, raisons de contentement ne
manquaient point. Ainsi, à vingt lieues de Bordeaux et invisible de la côte, Le
Dragon Vert croisait sagement, à la vérité tournant en rond, sous le
commandement du second, Charles Paray des Ormeaux. Celui-ci avait reçu du comte
de Nissac consigne de tourner ainsi vingt-quatre heures. Passé ce délai, le second
devait retourner à Toulon car si l’amiral ne rejoignait point le bord à temps, c’est
qu’il avait été tué ou, plus improbable, capturé.
Bâtiment de marine léger affrété pour commerce
et pouvant naviguer en les fleuves s’était discrètement approché du galion et, se
trouvant contre son bord, dix personnes étaient passées du navire de guerre sur
le modeste navire de commerce. Parmi ces dix se trouvaient le comte de Nissac, la
baronne de Guinzan, le capitaine de Sousseyrac, le lieutenant Fey des Étangs, le
seigneur Chikamatsu Yasatsuna très lourdement armé et cinq hommes d’élite de l’infanterie
d’assaut du Dragon Vert.
Mais en le navire marchand, un onzième s’était
joint à eux avec force embrassades, les attendant au fond de la cale du navire
de commerce où la petite troupe pourrait se soustraire à d’éventuels contrôles
et celui-là qui créait pareille surprise, capitaine aux prestigieuses Gardes
Françaises, avait nom Stéphan de Valenty, libéré des galères par le comte de
Nissac.
Plus surprenant encore, de derrière des
tonneaux un douzième apparut, souriant, qui n’était autre que Louis de Sèze, comte
de La Tomlaye, venu à Paris à la recherche de Nissac, le ratant de peu, rencontrant
Valenty au Louvre et s’engageant en cette aventure par fidélité au comte de
Nissac et goût de l’aventure.
Si la conception du plan de l’audacieuse
affaire qui allait se dérouler devait tout à l’amiral de Nissac, sa réalisation
en le chapitre des moyens avait pour instigatrice l’Église, peut-être les
jésuites du Père Coton, à moins qu’il ne faille y voir la main des frères de l’Ordre
de Saint-François d’Assise, proches de Luc de Fuelde, factotum du Père Joseph
et de l’ambitieux évêque de Richelieu.
Quoi qu’il en soit, et comme toujours en ces
affaires, l’Église de France avait fait preuve d’une discrétion à la mesure de
son efficacité, fournissant l’aide qu’on lui réclamait sans demander
explications sur la finalité des choses.
Le bateau de commerce, profitant d’un temps
maussade et d’une brume persistante, était entré en l’estuaire de Bordeaux pour
se trouver sur la rivière de Garonne en laquelle il poussa fort avant sans se
trouver remarqué, la Peste de 1524 ayant dépeuplé cette région.
On accosta en endroit de rives escarpées où
quatre moines attendaient, ayant regroupé plusieurs mulets de bât, lesquels
furent remis à la petite troupe et ces choses se firent sans qu’on échangeât
une parole.
Sans doute le jeune de La Tomlaye fut-il déçu
par mission qui lui était confiée, consistant à garder le navire de commerce
mais Nissac, qui songeait à Élisabeth et à l’amour déraisonnable qu’elle
portait à son frère, ne voulait point exposer la vie de celui-ci. Il sut se
montrer convaincant expliquant, ce qui n’était point faux, que sans ce bateau, toute
retraite en cette région hostile serait impossible et qu’ils seraient tous
massacrés.
Puis, les onze hommes et la jeune femme
avancèrent en silence jusqu’à ce qu’apparût le château de Cadillac qui, bien qu’il
ne fût point tout à fait achevé, frappait par sa magnificence et l’impression n’était
point fausse car en son temps, il passa pour le plus grand et le plus splendide
château de l’époque.
Le châtelain, qui tenait ce lieu de sa femme
héritière des comtes de Foix, avait fait raser le vieux château et bâtir
celui-ci à partir de 1597 sachant qu’après ces quinze années de construction il
serait en tous points extraordinaire.
Aussi, alors que les travaux arrivaient à leur
terme, et que déjà le château de Cadillac apparaissait de si grande beauté, on
peut s’étonner qu’un homme de goût tel que Thomas de Pomonne, comte de Nissac
et amiral des mers du Levant, se soit librement imposé, sans que nul lui en
fasse suggestion, de causer plus grands dommages qu’il fut possible à endroit
si fastueux.
Peut-être
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