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Le Voleur de vent

Le Voleur de vent

Titel: Le Voleur de vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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ce visage qu’on eût dit d’un cadavre
fraîchement sorti de la tombe, les bourses qui leur furent offertes ne les
incitèrent pas à souhaiter en savoir davantage.
    Il serait dangereux de nier que l’ambrosien au
visage et à l’âme pareillement repoussants possédait des qualités de tout
premier plan. Ainsi en allait-il de sa vive intelligence jamais prise en défaut,
de la grande maîtrise de lui-même qui toujours l’empêcha de céder à la panique,
encore qu’elle ne parvînt pas à enrayer ses terribles colères, et enfin de son
extraordinaire instinct.
    L’instinct, avant tout, l’instinct !
    Tout, en son être, criait déjà victoire et il
savait sans en jamais douter que, cette fois, Henri quatrième périrait par le
fer. Mais il savait aussi qu’allaient se heurter deux petites troupes qui n’auraient
qu’un but, tuer ceux d’en face. Un combat feutré, à l’abri des regards du grand
nombre, de ces foules vaines… Point d’appels, point de cris de joie ou de
douleur, juste les gémissements des mourants et les grondements sourds de ceux
qui porteraient les coups. De part et d’autre, des donneurs de mort obstinés, compétents
et silencieux.
    Il jeta un regard à ses trois loups-garous qui
dévoraient à belles dents biche à peine cuite : ceux-là ne seraient point
de trop pour le protéger car les hommes du roi allaient se montrer tenaces. Il
ne craignait point la police secrète, qu’il avait habilement fait infiltrer par
d’Épernon, mais ce comte de Nissac qu’il jugeait adversaire exceptionnel, d’autant
plus dangereux qu’il ne recherchait ni or, ni honneurs, ni prébendes, ce qui ne
donnait pas prise sur lui.
    — Oui, il n’en est que plus à craindre !…
maugréa l’ambrosien.
    Le roi mort, Nissac ne renoncerait point à
poursuivre ses assassins, moins par vengeance que pour servir la justice et la
morale. Nul, alors, ne serait à l’abri de l’amiral et les puissants du « cercle
des douze apôtres » pas davantage que les autres.
    Le moine sans visage fut un instant distrait
par « Rouge » qui mangeait sans grand appétit. La chose lui amena
passagère contrariété car il voulait ses loups-garous en le meilleur état
possible afin de le bien protéger.
    Puis l’inanité de tout cela lui apparut. Le
protéger ?… Il ne tenait pas vraiment à vivre, en tout cas à survivre à
son œuvre. Tuer Henri quatrième ?… Certes, la chose aurait pu valoir pour
la défense de la religion mais de religion, il n’en avait plus, tout ayant été
si vite balayé ces derniers mois. Il ne croyait ni à Dieu, ni à diable, avec
cependant un petit préjugé favorable pour ce dernier. Mais pour lui, après la
mort, il n’était rien, si ce n’est la pourriture, l’état de momie, la poussière
et le vide.
    Ne demeurait que l’intérêt d’avoir imaginé
pareil complot dont nul ne connaissait la seconde partie, d’avoir soigné les
détails et allié en la circonstance puissants qui se haïssaient. Cet intérêt
flattait son intelligence et suffisait à sa satisfaction. À quoi s’ajoutait le
plaisir étrange, mais très vif, que l’histoire ne connaîtrait point le nom de
celui sans lequel Henri quatrième aurait vécu, c’est-à-dire lui-même, mais d’un
simple d’esprit appelé Ravaillac comme il s’en trouvait des milliers en le
royaume des lys et dont le seul mérite aurait consisté en le fait d’abaisser un
bras armé.
    L’imposture qu’il créait là lui plaisait, il
ne s’en lassait point alors que tout le reste, en sa vie, s’usait si rapidement
pour le laisser malheureux, incertain et défait, suant d’une peur dont il
ignorait la cause.
    Même la mise à sac des villages, avec ses
cortèges de meurtres, de viols et de vols ne l’amusait plus. Et pas davantage
ces stupides curés crucifiés sur les portes des églises et brûlés vifs. Ils
étaient sans finesse, semblables à des bêtes de somme, et leur ôter la vie n’ajoutait
rien à la sienne.
    Il eût aimé se convaincre que son visage
hideux était la cause de sa lassitude de vivre. Las, dégoûté par la bassesse
des hommes, il l’était dès longtemps avant que « Rouge » ne se jetât
sur lui pour mordre en son visage.
    Vivre, à quel profond ennui on l’avait exposé
là ! L’eût-on consulté auparavant, il eût dédaigneusement repoussé
pareille offre.
    Il faisait frais en ce jour de mai
et le peuple allait renfrogné à ses occupations.
    La veille, un vol de corbeaux en

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