Le Voleur de vent
point céder, et ne cédait
pas. La France demeurait inébranlable. On s’armait.
Ainsi, les préparatifs de guerre commencés en
grande activité un an plus tôt allaient-ils aboutir en ce mois de mai 1610.
Côté Français, tout semblait en le meilleur
ordre qui soit avec le duc de La Force bouclant les Pyrénées, le maréchal de
Lesdiguières, à Lyon, n’attendant qu’un ordre pour envahir le Piémont et, à
Châlons-sur-Marne, prête à se mettre en marche au premier roulement de tambour,
formidable armée de cent mille hommes aux couleurs des lys de France qui devait
culbuter irrésistiblement les Espagnols.
En un bref aparté, Bassompierre avait ajouté
que le roi ne prisait guère que les Espagnols offrent l’hospitalité au prince
de Condé, mari de mademoiselle de Montmorency, qu’Henri quatrième aimait à la
folie bien qu’elle n’eût que quinze ans. Car, en cette affaire, le roi se
sentait floué, ayant lui-même choisi l’époux de mademoiselle de Montmorency, ce
prince de Condé qui, ce n’était nullement un secret, préférait les hommes aux
femmes mais, sitôt marié, s’était opiniâtrement montré jaloux du roi au point d’enlever
sa très jeune femme et de trouver refuge chez les Espagnols, bien entendu ravis
de jouer ce mauvais tour au roi de France.
Nissac soupira et pressa son cheval, contrarié
des nuages qui s’amoncelaient en le ciel de France.
85
Luc de Fuelde, abbé de Cour, cousin du baron
Stéphan de Valenty et homme tout dévoué du futur duc de Richelieu par ailleurs
évêque de Luçon, accueillit Nissac et les siens en l’auberge du « Poisson
doré », proche de la rivière de Seine. Attablé en ce lieu, on pouvait voir
les tours de Notre-Dame.
Lorsqu’ils furent restaurés, l’abbé les mena
en un hôtel particulier qui serait leur base en le temps qu’ils resteraient à
Paris pour tenter de porter coups sévères aux comploteurs.
L’hôtel particulier, situé rue Galande, eût
nécessité quelques travaux notamment en la toiture mais précisément, du fait d’une
certaine vétusté, on n’accordait point trop d’importance en le quartier à ceux
qui y logeaient.
Au reste, Nissac se trouvait satisfait car, en
cet endroit, il pourrait installer tous ses officiers tandis que de vastes
écuries attendaient les chevaux.
Le comte fut heureux de retrouver « Flamboyant »,
son haut cheval noir et aveugle que les jésuites du Père Coton, confesseur du
roi, avaient mené ici depuis la province.
L’amiral de Nissac, que ne quittait point la
comtesse Isabelle, marcha donc ainsi avec l’abbé de Fuelde jusqu’aux écuries et
s’enquit de l’endroit où serait cantonné l’équipage du Dragon Vert.
Luc de Fuelde hocha la tête.
— La chose fut difficile car c’est près
de deux cents hommes qu’il fallait loger mais à la discrète demande du roi, vieux
château en le Faubourg Saint-Jacques a été mis à disposition. Il comprend un
vaste parc où l’on installe campement pour ce faux régiment breton. De cet
endroit, sur cheval au galop, on peut se trouver en la cour du Louvre en moins
de dix minutes.
Le comte de Nissac, soucieux, s’enquit :
— Mais à qui appartient ce château ?
Portant son regard vers les lointains, l’abbé
répondit d’une voix que n’habitait point la passion :
— L’Église de France sait se montrer
accommodante lorsqu’il s’agit de servir la couronne…
Isabelle de Nissac prit alors la parole :
— Eh bien parlons-en : comment
voulez-vous qu’on la serve ?… Qu’attendez-vous de nous ?
L’abbé ne masqua point totalement son
irritation qu’une femme fût si étroitement mêlée à ces choses. Mais il évita
tout froissement d’orgueil par une réponse trop vive, choisissant cependant de
s’adresser au seul comte de Nissac pour n’avoir pas à le faire à son épouse.
— L’idée d’une issue victorieuse ne
préside hélas point à toute cette affaire. Le roi se trouve en la certitude qu’il
sera tué, quoi qu’on fasse ou qu’on organise pour aller là contre.
L’amiral de Nissac, en raison de son caractère,
n’appréciait point l’annonce d’une défaite avant même que combat fût livré. Et
c’est un peu rudement qu’il questionna avec cependant une pointe d’humour :
— Pourquoi m’avoir fait venir, alors, quand
les barbaresques du Levant doivent se languir de moi ?
L’abbé, qui observait une souris en la paille
de l’écurie, sembla brusquement
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