Le Voleur de vent
sortir d’un rêve.
— Monsieur l’amiral, que la chose soit
dite une bonne fois : vous n’êtes point chargé d’empêcher l’assassinat du
roi !
— Bien, mais qui s’occupe de cela ?
— La police secrète et… différentes
forces que je ne connais point toutes, bien que me trouvant près du cœur des
choses.
— Vous commettez grave erreur en
dispersant vos forces.
— Une erreur ?
— Non, une faute. C’est absurde.
— Absurde ?… Le mot est fort !
— Absurde et ridicule.
Nissac remarqua la souris grise et ajouta :
— Aussi ridicule qu’un crocodile rouge, un
écureuil vert ou un merle bleu.
— Oh, un merle bleu, tout de même !…
Un merle bleu : ah la vilaine petite horreur que ce serait là !… Et
de surcroît ; un volatile dépravé aux mœurs incertaines, la chose n’est
point douteuse !…
— Laissons là ce merle bleu, je n’ai
point de goût pour les histoires de volaille.
Nissac toussota et en revint à l’essentiel :
— Une fois encore : pourquoi m’avoir
fait venir ?
L’abbé de Fuelde n’aimait point qu’on le
pressât mais l’amiral l’impressionnait trop pour qu’il songeât à se dérober.
— Nous souhaitons que vous leur portiez
de rudes coups, c’est notre seul espoir de déjouer le complot. Voyez-vous, si
vous défaites une partie des conjurés, et en tout cas leurs troupes, ils se
trouveront alors en un climat de grande incertitude qui ne sera pas propice à
leur entreprise. Et peut-être les pourrions-nous alors faire renoncer… Oui, peut-être…
Vous et vos hommes, seuls en ce cas, pouvez intervenir en grande rapidité et
discrétion, et c’est bien de cela dont nous avons besoin.
— Et je dépendrai de vous pour savoir qui,
quand et où je dois frapper ?
Le ton n’était pas de franche camaraderie, et
l’abbé ne s’y trompa point qui adopta en retour ton de sucre et de miel :
— Mais, monsieur l’amiral, ce rôle n’est
pas sans grandeur !…
La comtesse, qui n’y pouvait plus tenir, répondit
la première :
— Il serait plus grand encore, ce rôle, si
nous en savions davantage car la connaissance des choses ne nuit point à l’intelligence
qu’on peut en avoir, si bien que les chances de succès paraissent dès lors plus
grandes.
L’amiral jeta à la femme qu’il aimait regard
où se mêlaient admiration et attendrissement et ce regard contrastait avec
celui, très noir, de l’abbé qui répliqua froidement :
— Que voulez-vous savoir, madame ?
— La manière dont ils comptent mener l’affaire.
Luc de Fuelde porta de nouveau son attention
sur la petite souris des plus charmantes qui, en la paille, se trouvait debout,
se léchant les pattes avant. L’abbé tenait les souris en grande détestation
mais moins, cependant, que les horribles merles bleus dont il venait de faire
la découverte.
Il expliqua :
— Il y aura trois cercles d’acier et de
mort autour du roi. En le premier cercle se trouve l’assassin qui a nom
Ravaillac et que nous ne savons où chercher. Dans le deuxième cercle de métal
et de mort, on verra un groupe de six ou plus qui, feignant la colère, tueront
le dit Ravaillac après son crime afin qu’il ne parle point. Enfin, en le
troisième cercle maudit, se rencontrera troupe de cinquante hommes, en les
environs, vêtus en apprentis, crocheteurs, bateliers, compagnons, drapiers et
tous métiers qui se puissent imaginer. Ces cinquante, si les choses ne
tournaient point à l’avantage des comploteurs ainsi qu’ils l’ont prévu, se
jetteraient sur la personne du roi en tuant hommes, femmes et enfants qui se
trouveraient sur leur passage.
— Nous commencerons par ceux-là ! rétorqua
sèchement le comte de Nissac qui ne détestait rien tant que d’annoncer ses
plans mais voyait difficilement comment faire autrement.
— Si toutefois nous savons où les trouver
et la chose risque de dépendre de vous, monsieur l’abbé !… répondit
Isabelle, plus glaciale que Fuelde n’avait été froid.
— Vous saurez cela !… affirma Luc de
Fuelde.
Nissac en doutait, comptant davantage sur ses
propres moyens. Il ajouta cependant :
— Je veux également qu’on me tienne
informé.
— Vous savez tout, d’Épernon, l’ambassadeur
d’Espagne et tous les autres.
— J’en veux davantage encore.
— Quoi d’autre ?… demanda l’abbé
avec en le regard lueur ironique qui lui venait de la supériorité qu’il tirait
de sa connaissance de
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