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Le Voleur de vent

Le Voleur de vent

Titel: Le Voleur de vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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de peureux
monarques terrés en leur donjon et n’osant prendre la moindre décision par crainte
de déplaire et d’armer ainsi le bras d’un assassin ?
    — Être roi, c’est accepter le pire.
    Richelieu scruta les indéchiffrables yeux gris
de l’amiral, mais baissa le premier le regard.
    — Que voulez-vous dire ?
    — C’est accepter de n’être point compris,
ni aimé, et de vivre en grande solitude car un roi n’a pas d’amis, par devoir. C’est
accepter aussi de déplaire, et d’être assassiné, car un roi ne doit avoir qu’une
seule préoccupation qui est le bien public.
    Richelieu regarda attentivement Nissac. Il aimait
ces paroles, et pensa tout soudainement que ce qui se disait là d’un roi
pourrait un jour valoir pour un premier ministre.
    Il se félicita aussi que Nissac n’eût point d’ambition
politique car entre son intelligence, sa haute naissance et son courage à l’épée,
il pourrait atteindre les sommets. Néanmoins, Richelieu songea que, s’il
parvenait à donner corps à son ambition, il devrait éloigner Nissac le plus qu’il
fût possible. Le tenir loin en les mers, et faire taire la légende vivante qu’il
devenait.
    Richelieu se pensait fin renard de Cour, il
redoutait ce loup solitaire.
    Cependant, il sourit faussement.
    — J’approuve ce que vous venez de dire et
en viens à votre mission. Vous n’êtes point en la charge d’empêcher l’assassinat
du roi, d’autres y travaillent et ce serait dangereusement distraire vos forces.
Vous, vous devez montrer qu’on n’ambitionne pas impunément d’assassiner le roi,
que semblable entreprise est dangereuse, qu’on y laisse la vie avant et même
après que cet acte abominable a été commis. Ainsi, vous pouvez décourager le
complot mais s’il a lieu, punissant les responsables, empêcher en les temps
futurs de jamais recommencer.
    — Je vous ai entendu !… répondit
Nissac, employant à dessein un ton qui n’était point celui de grande conviction.
    Richelieu l’avait déçu, aussi préféra-t-il
songer à sa propre vision des choses. Le sacre de la reine, qui avait tant
tardé, aurait lieu le treize de ce mois de mai, assurant ainsi, quoi qu’il
arrive au roi, la continuité du pouvoir.
    Donc, dès le lendemain, Henri quatrième
deviendrait gibier à abattre.

87
    Alors qu’il allait en un couloir dérobé d’une
belle demeure du faubourg Saint-Germain pour se rendre à une des ultimes
réunions des « douze apôtres », l’ambrosien fut arrêté par le
cardinal Mathieu de Bellany qui paraissait l’attendre, bien qu’il feignît le
contraire.
    Le cardinal semblait décidé à jouer de l’autorité
que lui conférait son rang ecclésiastique.
    — Nous ne sommes que deux représentants
de l’Église en cette assemblée alors à la fin, ôtez cette cagoule comme j’ôte
la mienne.
    Ainsi fut-il fait par le cardinal qui ignorait
cependant que l’ambrosien savait parfaitement qui il était, ayant approuvé son
recrutement par le duc d’Épernon qui le lui soumettait.
    — À votre tour !… ordonna le
cardinal en grande impatience.
    — Le souhaitez-vous vraiment ?… répondit
le moine de sa petite voix agaçante.
    — Je vous l’ordonne !… lança le
cardinal avec d’autant plus de véhémence qu’il n’était point à son aise.
    L’ambrosien réfléchit.
    Quelle raison poussait le cardinal à le vouloir
connaître, enfreignant, au nom d’un droit hiérarchique discutable en tel lieu
et semblable situation, règle d’or des conjurés ?… Plusieurs d’entre eux, déjà,
s’étaient plaints de sentir autour d’eux présence de gens de police et, en leur
sillage, espions d’aspects variés dont l’insistance à les vouloir suivre ne
laissait guère de doute sur la besogne qui les occupait.
    Le moine défiguré eût pu s’offrir facile effet
en ôtant vivement sa cagoule de pénitent provocant, par l’exhibition de son
visage hideux, l’effarement du prélat. Agissant ainsi, il eût satisfait le goût
qui était le sien de plonger les autres en situation de malaise.
    Néanmoins, en cette occasion, il sut refréner
cette envie car l’enjeu lui semblait de plus grande importance : il se
trouvait peut-être espion du roi en la conjuration et, si tel était le cas, il
fallait en grande urgence le démasquer.
    Sans un mot, il retira lentement sa cagoule. Sans
surprise, il nota le mouvement d’effroi du cardinal. Sans passion, il ne prit
aucun plaisir à la

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