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Le Voleur de vent

Le Voleur de vent

Titel: Le Voleur de vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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bouche
langue qui semblait de plus en plus s’allonger comme la malheureuse ne trouvait
plus d’air.
    Le duc d’Épernon rit en battant des mains, tel
un enfant cruel.
    L’Allemand se détourna, écœuré.
    La langue hors de la bouche et les yeux
agrandis, la jeune fille, morte, laissa tomber sa tête sur le côté.
    Déçu, le duc dit à mi-voix :
    — Déjà, tout s’achève ! Pourquoi les
plaisirs sont-ils si brefs quand l’ennui emplit des journées entières et ces
sombres journées toute ma vie ?
    Nul ne répondant à cette question, le duc, qui
n’était point descendu de cheval, tourna bride sans attendre ses gens et s’enfonça
en la brume. Déjà, il ne songeait plus à ce crime qu’il jugeait sans nulle
importance et son esprit retournait au complot.
    Quelques points, encore, l’inquiétaient :
qui se cachait derrière le cadavre pourri du gros moine ? Qui était le
second moine ? Était-il seulement moine ? Et qui était la femme que
servait la créature à la petite voix cruelle, serait-il possible, comme il le
croyait, qu’elle soit si importante qu’on n’osait l’imaginer sans frémir ?
    Il avait lancé tant de gens sur cette énigme
et promis tant d’or qu’il ne doutait point de l’apprendre bientôt. Mais ne le
regretterait-il pas ?

9
    Debout sur la dunette du Dragon Vert, le
vice-amiral de Nissac regardait l’horizon. Une brise légère gonflait les voiles
sur mer calme et l’équipage, excepté les hommes de quart, mangeait de bonne
humeur et en excellent contentement.
    Ce jour, anniversaire du second Charles Paray
des Ormeaux, l’équipage était mieux nanti qu’avec les habituels biscuits
trempés en un ragoût de poissons aussi liquide qu’une soupe. En effet, le
cuisinier servait pois, fèves, viande bouillie – dont on écumait la graisse
pour fabriquer des bougies –, fromages, ails et oignons. À quoi s’ajoutait une
unique mesure de vin car sur le Dragon Vert, la boisson était comptée. En
effet, le vice-amiral ne voulait point d’hommes saouls quand le combat pouvait
éclater à tout instant : il faut vivre sur les mers sur ses gardes
constantes, tel l’oiseau qui ne connaît point de repos, tournant sans cesse la
tête pour n’être pas surpris par qui le veut dévorer.
    « Qu’ils mangent en grande quantité »,
songeait Nissac qui savait que bientôt, on en viendrait au poisson séché. Amusé,
le vice-amiral se souvint de proverbe anglais qui, par son caractère universel,
réjouissait les marines de tous les pays du monde : « Dieu envoie les
vivres, le diable les cuisine ! »
    Thomas de Nissac évitait de songer à Élisabeth
de La Tomlaye dont l’indécision lui pesait car il se trouvait en un moment de
sa vie où, après tant de solitude, il eût aimé partager un grand amour avec une
femme souhaitant toutefois autant être choisi qu’il la choisirait.
    En homme ayant appris à se contenter de ce qui
s’offrait à lui, il se réjouit de commander si fier galion que le Dragon
Vert, trop méconnu à la cour du roi, mais considéré par l’étranger comme le
fleuron de la marine royale française.
    Son regard s’attarda sur le grand mât, celui-là
même qu’il avait embrassé le jour où il prit livraison du bâtiment sur son
chantier de construction, perpétuant ainsi vieille coutume des capitaines aux
temps jadis.
    Le grand mât… Il avait choisi de fixer bois de
laurier en son sommet pour se garder de la foudre, et qu’elle ne frappât point
son navire, délaissant ainsi autres matières réservées à pareil usage tels le
veau marin, les peaux de hyène ou de crocodile, le bois de figuier ou la
carapace de tortue.
    Ici était sa vie, et en son vieux château de
Normandie lorsqu’il mettait pied à terre pour quelque temps. Il aimait toutes
choses à bord du Dragon Vert et, loin de s’en lasser, s’y attachait
chaque jour davantage tel un amant pour sa bien-aimée en les plus belles des
histoires galantes. Il se plaisait à arpenter sa cabine où il invitait souvente
fois à sa table ceux de ses officiers qu’il avait en sympathie : son
second, le capitaine Charles Paray des Ormeaux, le capitaine commandant l’infanterie
d’assaut, ce rude géant de Sousseyrac, et enfin le tout jeune lieutenant Martin
Fey des Étangs au visage d’ange qui chavirait le cœur de bien des dames.
    En ces soupers, tandis que le soleil couchant
empourprait la cabine en s’engouffrant par les vitres et vitraux de la fenêtre
donnant, à

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