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Le Voleur de vent

Le Voleur de vent

Titel: Le Voleur de vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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un
sourire, ignorant que, « le travail achevé », ils seraient aussitôt
abattus d’une balle en la nuque, leurs corps jetés en une fosse profonde et
recouverts de chaux vive…

98
    Le quatorze de mai 1610, les pressentiments
qui depuis des jours accablaient le roi se concentrèrent en sa pauvre âme
tourmentée avec telle force qu’il ne douta plus un instant qu’il vivait le
dernier jour de sa vie, et en arriva à souhaiter qu’on le tuât rapidement.
    Cependant, courageux et conscient, comme peu
le furent, de la dignité de sa fonction, il décida d’afficher bonne humeur tout
au long de la journée.
    Pourtant, il s’effrayait à l’idée de sortir en
les rues de Paris bien qu’il dût, depuis le Louvre, se rendre à l’Arsenal pour
y rencontrer le duc de Sully, souffrant, qui l’attendait cependant pour l’entretenir
de la guerre imminente.
    Henri quatrième hésita longuement, prit même
conseil, s’attarda à choses sans importance, mais tout cela lui apparut bientôt
empreint de grande lâcheté et, la bouche sèche, il réclama qu’on préparât sa
voiture, s’efforçant de ne point songer au mathématicien Guy de La Brosse qui
prévoyait en ce mois de mai hostilité des astres vis-à-vis du roi. De même, il
ne voulut point s’effarer du cri d’une chouette durant toute la nuit ou de « l’Arbre
de mai », planté en la cour du Louvre, et qui venait sous ses yeux de
mystérieusement choir, déraciné, à la stupeur générale.
    En les dispositions étranges où se trouvait
son esprit par rapport à la mort il refusa l’escorte que préparait monsieur de
Vitry, capitaine des gardes. Se forçant à sourire, il déclara :
    — Il y a cinquante et tant d’ans que je
me garde sans capitaine des gardes, je me garderai bien encore seul !
    En la cour du Louvre, il écarta Praslin, autre
capitaine des gardes qui insistait pour l’accompagner.
    Puis, arrivé devant le carrosse, il s’immobilisa,
hésitant, avant d’enlever le manteau qui le révéla portant habit de satin noir.
    Enfin, il monta en la grosse voiture et
choisit de s’asseoir à gauche, sur la banquette du fond. Aussitôt, jouant des
coudes avec les autres seigneurs, le duc d’Épernon, qui transpirait étrangement,
vint s’asseoir à ses côtés.
    Messieurs de La Force, de Montbazon, de
Lavardin et de Roquelaure prirent place eux aussi. Enfin, Liancourt, premier
écuyer, s’assit en compagnie de Mirebeau sur la petite banquette en face d’Henri
quatrième.
    Le tireur de Moldavie
se trouvait rue de la Ferronnerie, sur un petit tertre. Protégé par une
palissade, il attendait.
    Attendait lui aussi le tireur venu de Syracuse,
en l’étage d’un immeuble qui servait de dépôt de livres à une bibliothèque en
construction. Le Sicilien s’efforçait de respirer calmement, conscient de l’importance
de l’homme qu’il devait tuer. Le tireur de Moldavie, lui, caressait avec gestes
très doux le canon de son arquebuse de conception entièrement nouvelle.
    Le carrosse, empruntant
la rue de l’Autruche, atteignit le carrefour des rues de l’Arbre Sec et
Saint-Honoré.
    Au même instant, par un dense réseau de relais,
Nissac faisait remonter ses troupes afin de sans cesse précéder le roi pour
pouvoir toujours intervenir mais bientôt, chose étrange se produisit car l’amiral
remarqua que, parmi ceux qui se pressaient pour voir le roi ou se trouver sur
son passage, certains étaient saisis par les archers de la police royale et
ceux-là, sans exception, appartenaient à l’équipage du Dragon Vert.
    Comprenant les enjeux, les officiers du Dragon Vert n’hésitèrent pas un instant lorsque Nissac ordonna à son tour
qu’on arrêtât les gens de police et, en confusion extrême, archers, dont
beaucoup dévoués à la couronne et soldats loyalistes s’arrêtaient les uns les
autres tandis qu’on signalait l’arrivée du carrosse d’Henri quatrième.
    Cependant, à sa seule initiative, Fey des
Étangs sauva provisoirement la situation. En effet, ayant remarqué près des
officiers de police présence de l’ancien marin du Dragon Vert qui
désignait discrètement ses ex-camarades, le jeune baron se pencha vers « Le
Maltais » et ordonna :
    — Tue-le !
    Un poignard siffla en la grande vitesse du
geste du lanceur et, atteint en pleine gorge, le délateur s’effondra, foudroyé.
    À cet instant, le carrosse était déjà engagé
en la rue de la Ferronnerie qui se trouve en continuité de la rue

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