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Le Voleur de vent

Le Voleur de vent

Titel: Le Voleur de vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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prodigieux bond en avant tandis que, sur le
galion du renégat Bohrange, on se trouvait en grande consternation pour
certains quand d’autres tombaient à genoux en se griffant le visage car, pour
eux, il n’était point douteux que le vice-amiral fût le diable en personne qui
prévoyait ainsi que le vent allait changer si brutalement, et devinait même son
orientation à venir.
    Le capitaine Bohrange avait compris. Avant que
ne fût tiré un coup de canon, l’ampleur du désastre et la certitude de la
défaite lui apparaissaient l’une et l’autre.
    Son regard désespéré s’attarda sur son
équipage. Celui-ci allait à la manœuvre sans conviction, en état de grande
résignation, et le Dunkerquois avait suffisamment vu d’équipages espagnols en
semblable état d’abandon pour savoir que le combat était perdu.
    Comme l’apprenti regarde le maître, Bohrange
admira la façon dont Le Dragon Vert se présentait finement sous le vent.
Un instant, il sentit qu’il pouvait se montrer plus prompt et ordonna le feu
mais rien ne vint si ce n’est quelques coups perdus : la majorité de ses
canonniers avaient abandonné leur poste pour se réfugier le plus loin possible
sur l’autre bord, en l’attente de l’apocalypse.
    L’artillerie méthodique de Nissac fit une
nouvelle fois la preuve de son excellence. Une première salve rasa les quatre
mâts sans coup férir : contre-artimon, artimon, grand mât et mât de
misaine. La seconde salve, d’une étonnante promptitude, dévasta sabords et
batteries presque désertes. Une troisième balaya le pont où les pirates se
tenaient couchés pour éviter les boulets.
    Après que les canons se furent tus, les
pirates survivants se relevèrent un à un, sabre à la main pour l’abordage. Leur
courage ranimé par la certitude de mourir s’ils ne se défendaient point vacilla
cependant en entendant fifres et tambours sur le pont du Dragon Vert car
à Toulon, Nissac avait enrôlé marins connaissant ces instruments. L’air était
métallique, lancinant et martial : il glaçait le sang, car on croyait
entendre martellement de centaines de chevaux.
    En un mot, il semait la terreur. En un autre
mot : la chose avait été imaginée en ce but.
    Bohrange, effondré, admira et haït une fois
encore son adversaire qui ainsi cherchait – et trouvait – sans cesse idées
nouvelles pour aider la victoire.
    Hurlante, irrésistible en son prodigieux élan,
la première vague d’assaut de la marine royale déferla sur le pont du galion
pirate et Bohrange nota la présence d’un géant – Sousseyrac – qui fauchait ses
hommes comme on moissonne le blé. Puis le renégat aperçut homme mince, de haute
taille et de grande élégance, vêtu de bleu marine, chemise de dentelle blanche
et coiffé d’un très beau feutre aux plumes blanches, vertes et bleues. Celui-là,
qui frappait d’estoc un seul coup en la gorge de ses adversaires ne pouvait
être que Nissac qui, l’apercevant, vint vers lui.
    Éperdu, Bohrange s’enfuit mais Nissac, à peine
freiné en sa course par les coups de sabre distribués à qui gênait son passage,
le poursuivit et le rattrapa à l’entrée de la cale à filin.
    Retrouvant son courage un instant défaillant, Bohrange
fit face, attaquant avec extrême violence mais le comte, dont les yeux gris ne
quittaient pas son adversaire, para avec facilité.
    Enfin, Nissac regarda le Dunkerquois avec un
air de vague tristesse en disant :
    — Tes dernières heures durent être
pénibles. Si ma parole a quelque crédit à tes yeux, sache que je te trouve
capitaine intelligent et si tu en doutas, c’est parce que j’ai manœuvré pour
que tu penses ainsi.
    Le combat reprenant, Bohrange ne put parer le
coup terrible qui lui traversa le larynx.
    Nissac, sabre à la
main, ouvrit brutalement la porte de la chambre du feu capitaine, située en la
poupe du pont principal, et tomba nez à nez avec une femme d’une époustouflante
beauté.
    Il fut stupéfait, et s’étonna qu’elle
frissonnât à sa vue.
    La jeune femme rousse, âgée de vingt-deux ans,
fut plus surprise encore. Elle pensait voir revenir Bohrange victorieux, car
jusqu’ici il l’était toujours. Elle l’attendait non sans craintes. En effet, s’il
l’avait respectée, il s’en était fallu parfois de bien peu, car il arrosait ses
victoires en vidant un cruchon d’alcool.
    Elle savait le combat achevé. Sur le pont, le
cliquetis des armes ne s’entendait plus, ni les cris et

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