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Le Voleur de vent

Le Voleur de vent

Titel: Le Voleur de vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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Elle songea que ses raisons n’étaient
point indignes et lui permettaient d’employer des moyens que d’autres
jugeraient sans doute condamnables. En effet, il lui faudrait beaucoup de
finesse, pas mal de duperie et un peu de chance.

15
    Devant l’énormité du trésor accumulé en les
cales du vaisseau pirate, le comte de Nissac avait renoncé à transférer le
fabuleux butin sur son propre navire, préférant prendre en remorque le galion
entièrement démâté de feu le capitaine Bohrange.
    Freiné en sa course par le bateau captif, Le
Dragon Vert faisait route vers le lieu où il avait laissé le navire privé
de mâts et d’artillerie du capitaine Van Dick.
    Nissac, immobile sur la dunette, scrutait la
mer d’un air indéchiffrable. Ombre fidèle à un pas derrière lui, le second, Charles
Paray des Ormeaux, se tenait silencieux mais ses paupières plissées par
instants indiquaient aux plus perspicaces qu’il y voyait mal.
    Sur le gaillard d’arrière, la duchesse Inès de
Medina Sidonia se trouvait en la compagnie du charmant Martin Fey des Étangs
dont elle n’écoutait que d’une oreille distraite la conversation pourtant des
plus brillantes.
    Inès de Medina Sidonia se sentait revivre parmi
ces gentilshommes français aux manières tant courtoises qui contrastaient fort
avec celles des pirates.
    Ainsi, le vice-amiral avait pris ses
dispositions pour qu’elle logeât dorénavant en sa chambre, qu’il lui céda
sur-le-champ. Pareillement, tandis qu’elle sortait sur le pont supérieur, Fey
des Étangs avait ôté sa cape, la jetant sur une large flaque de sang afin qu’elle
n’y posât point directement son pied menu. Ce geste, gracieux en la manière et
délicat en la pensée, la faisait revenir en un monde qu’elle décida de ne
jamais quitter, faisant vœu de ne plus poser le pied sur un navire.
    Elle avait peu parlé avec le vice-amiral, et
le regrettait. De plus, il ne lui avait assigné aucun endroit précis où elle
dût se tenir en la journée si bien qu’elle n’hésita point à demander à Fey des
Étangs qu’il la conduisît séant sur la dunette.
    Le jeune homme hésita, sachant combien cette
étroite plate-forme de poupe, qui se trouvait le point le plus haut des ponts, était
territoire du comte de Nissac. Au reste, on n’y pouvait tenir à cinq sans se
gêner et Nissac s’y trouvait déjà en compagnie du second et d’un tireur d’élite
attentif derrière son mousquet.
    Fey des Étangs succomba. Par galanterie, certes,
mais aussi parce qu’il ne pouvait résister à ce regard brusquement glacé :
les Medina Sidonia étaient de noblesse immémoriale et la jeune Espagnole ne
semblait point en habitude qu’on refusât de céder à ses caprices.
    Perchée sur la dunette, elle admira la vue
exceptionnelle qui s’offrait au regard, puis porta son attention sur le comte
de Nissac qui n’avait point fait de commentaire sur son arrivée.
    La jeune femme avait entendu parler en les
récits d’autrefois de grands généraux et fabuleux capitaines, mais étaient-ils
ainsi que Nissac, enfermé en un monde où nul ne semblait pouvoir entrer ?
    Froid, distant, tenant sur ses épaules la
responsabilité du navire et la vie de l’équipage, il lui apparut muré dans une
solitude qui le privait sans doute de la plupart des plaisirs et laissait peu
de place, entre mort ou folie, à un quelconque avenir. Au reste, songeait-elle,
quel était-il, ce précaire avenir, et combien d’années, de mois, peut-être, le
vice-amiral de Nissac allait-il échapper à une mort inscrite en son existence
même ?… Qui possédait assez de force, à moins de devenir fol, pour aller
de combat en combat sachant que, tôt ou tard, l’un d’eux vous sera fatal ?
    La duchesse savait que le comte de Nissac
exerçait la police du roi de France sur les mers du Levant. Elle n’ignorait pas
davantage que la marine royale était inexistante, que le roi Henri quatrième se
décidait seulement à faire construire quelques galères mais qu’en cet instant, Le
Dragon Vert se trouvait la seule unité combattante qui représentât l’autorité
du monarque sur ces interminables étendues infestées de pirates.
    Elle fit un pas en avant et s’adressa au
vice-amiral :
    — Eh bien, monsieur, avez-vous égaré le
navire du renégat Van Dick ?
    Nissac entendit bien l’accent moqueur où
perçait subtilement la provocation. Loin de s’en irriter, il s’en amusa mais, comme
toujours, n’en laissa rien

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