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Le Voleur de vent

Le Voleur de vent

Titel: Le Voleur de vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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clameurs du combat. Sans
doute fouillait-on les morts avant de les jeter à la mer.
    Mais cet homme grand et élégant, aux
fascinants yeux gris sous le bord marine d’un feutre orné de plumes superbes, qui
était-il, se demandait-elle tandis que le sang gouttait sur le plancher depuis
la lame du sabre qu’il tenait en sa main gantée de gris perle.
    Nissac ôta son chapeau.
    — Thomas de Pomonne, comte de Nissac, vice-amiral
des mers du Levant en la marine du roi de France, Sa Majesté Henri quatrième.
    En un geste des plus adorables, car presque
enfantin, la jeune femme rousse porta ses petits poings fermés à hauteur de sa
bouche en disant d’une voix agréable où se devinait accent espagnol :
    — Dieu soit loué !… Duchesse Inès de
Medina Sidonia, enlevée par ces pirates sur un vaisseau du roi d’Espagne. Me
ramènerez-vous en mon pays, monsieur ?…
    — Comment refuser, madame ?… répondit
Nissac, souriant, en songeant qu’elle était décidément bien jolie.
    Troublée, elle ne sut que dire. Elle devinait
en une tranquille certitude que cet homme était plus important que tous ceux qu’elle
avait croisés jusqu’ici car, pour être duchesse et d’une prestigieuse famille, Inès
de Medina Sidonia n’en était pas moins femme.

14
    Au petit matin, alors que l’eau des fossés
gelait, le cortège, sinistre, quitta la ville par la porte nord sous une
violente averse de neige tandis qu’une lueur d’un gris sombre, à l’est, barrait
l’horizon.
    Derrière un groupe de soldats royaux de la
cavalerie légère venait le moine à la voix méchante dont nul, en ville, n’avait
vu le visage toujours caché par une ample capuche. Il était monté sur un cheval
pâle à la robe magnifique où le blanc neigeux le disputait à un gris perle des
plus délicats et un vieil écuyer, retiré en cette ville, de dire que ces
montures sont affectionnées par ceux dont l’âme est noire.
    Venait ensuite une étrange charrette tirée par
six chevaux. Il s’agissait d’une grande cage dont le contenu était caché par
des pièces de toile de tente et des peaux de bêtes cousues hâtivement les unes
aux autres. La foule silencieuse n’ignorait point qu’en cette cage de fer se
trouvait tapi « le monstre » et sur son passage, ponctué par le bruit
sinistre des roues sur le pavé, chacun se signait avec ferveur.
    Venait enfin un groupe de gendarmes royaux qui
fermaient la marche.
    Accablés par la chute de neige qui redoublait
de violence, tous ces cavaliers allaient tête baissée, comme perdus en eux-mêmes,
mais nul ne les plaignait en la population car chacun souhaitait les voir
quitter la petite ville au plus vite pour n’y jamais revenir.
    Un forgeron, crâne chauve et poitrine velue
sous un gilet de cuir demi-ouvert, demanda :
    — Et où emmènent-ils ainsi « la bête » ?
    — Au royaume des ténèbres où elle sera
ensevelie sous charbons ardents en les siècles des siècles !… répondit une
vieille herbagère aux cheveux gris.
    Passé la muraille qui ceinturait la ville, la
triste colonne arriva à hauteur du cimetière où, pour la seconde fois, on
enterrait chrétiennement les pauvres restes de la jeune fille qu’avait profanée,
en sacrilège pratique, le loup-garou.
    Famille, amis et fossoyeurs, tous ensemble
levèrent la tête. Certains auraient souhaité esquisser geste de malédiction
mais la force leur manqua et tous, pareillement mal à l’aise, détournèrent les
yeux.
    Seul le prêtre, pourtant bien jeune, s’obligea
à regarder la cage tout en s’approchant à moins d’une toise mais il ne put s’empêcher
de trembler lorsqu’un fugitif instant, les peaux de bêtes furent écartées par
une main massive.
    Le jeune curé, au comble de l’effroi, aperçut
derrière de lourds barreaux d’acier tête de loup dont la partie inférieure
était mâchoire d’homme.
    Se contraignant à ne point détourner le regard,
le curé remarqua les yeux de la créature et fut bouleversé d’y lire désespoir
sans fond, tristesse et douleur telles, qu’il n’avait point souvenir d’en avoir
jamais vu de semblables. Puis, très distinctement, il vit deux grosses larmes
qui perlaient sur le pelage gris de la tête de loup…
    La neige cessa à cet instant par phénomène
étrange en sa rapidité et le ciel, jusqu’ici couleur d’étain, se teinta de
mauve précieux et de violet délicat qui s’harmonisaient avec la légèreté de la
neige.
    Un oiseau chanta sur une

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