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Le Voleur de vent

Le Voleur de vent

Titel: Le Voleur de vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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monde. Toutes
ses belles voiles étant gonflées de vent, il n’en peinait pas moins durement à
ramener ses deux lourds prisonniers. Ceux-là aussi, quoique démâtés, sont fort
beaux, comme savent les construire les Espagnols qui ne lésinent point sur les
ors et les pourpres. La foule, en grande fascination, suivait les efforts du Dragon Vert et chaque toise gagnée gonflait le cœur de tous ceux qui
assistaient à la scène. C’est spectacle bouleversant de voir navire plus fin, de
plus modeste tonnage, traîner à sa suite bâtiments plus puissants qui n’en
furent pas moins vaincus. Aussi les regards cherchaient-ils le vice-amiral qu’on
sait toujours sur la dunette, reconnaissable à son chapeau de feutre couleur
marine empanaché de plumes bleues, vertes et blanches, nul n’ayant encore percé
le secret du choix de telles couleurs. Bourgeois et marins l’acclamaient quant
aux femmes, qu’elles fussent de petite noblesse, épouses d’armateurs ou de
porteurs d’eau, toutes se pâmaient en grand émoi. Pourtant, le vice-amiral
demeurait immobile, indifférent à cette gloire, comme si ce n’était point lui
que la foule fêtait, lui que la victoire traite toujours comme son fils chéri !
    — Vous en parlez si bien, Louis !… Et
qu’advint-il après ?
    — Lorsqu’il descendit du navire, un
officier des mousquetaires gris s’approcha de lui et présenta au comte un haut
cheval noir comme on sait que les Nissac, depuis Charlemagne, dit-on, ne
montent que cette sorte de chevaux puis, encadré par ces étranges mousquetaires,
il gagna la résidence du gouverneur au grand dépit de la foule qui eût aimé
voir plus longuement son héros.
    — Et ce fut tout ?
    — Après, les choses furent différentes, l’intérêt
qu’on y portait, pour grand qu’il fût, se trouvant moindre dès que Thomas de
Nissac eut disparu avec son escorte. On discuta de la jeune Espagnole, duchesse
ou princesse, et la foule la trouva fort belle, la voyant s’engouffrer en un
élégant carrosse lui aussi flanqué de mousquetaires gris à cheval, puis on
spécula sur la qualité du trésor, la valeur du ducat espagnol par rapport à l’écu
et chacun de produire écu à la couronne, à la salamandre ou au porc-épic, les
commerçants se montrant les plus savants pour les conversions en livres
Tournois, pistoles et autres monnaies de compte. Mais déjà, je partais en
grande hâte vous porter toutes ces nouvelles.
    — Merci, Louis. En vérité, je ne sais
trop vous conter quel effet vos paroles produisent en mon cœur où tout, brusquement,
se trouve en inextricable confusion.
    — Que voulez-vous dire ?
    Élisabeth se leva et marcha en va-et-vient d’un
mur à l’autre, en état de grande nervosité.
    — Ce long silence concernant monsieur de
Nissac, puis toutes ces nouvelles… Par manque de courage, je regrette presque
le temps d’avant son retour. Oui, je l’avoue !… Au moins, les choses ne
portaient pas en elles mystères et interrogations. Je le savais sur son beau
vaisseau, je craignais la tempête et les navires barbaresques mais ces maux, même
si je les redoutais, au moins étaient-ils devenus familiers. Tandis qu’à
présent…
    Louis se leva à son tour, se plaçant devant sa
sœur.
    — Mais qu’y a-t-il de différent ?
    Elle lui sourit.
    — On voit que l’amour ne vous effleure
point, Louis… Il y a de différent que, malgré vos paroles, je redoute la beauté
de cette belle princesse espagnole !… Il y a de différent que ce fabuleux
trésor et l’audace couronnée de succès de monsieur de Nissac risquent de
changer sa position si le roi n’est point ingrat et dès lors, pourrais-je
espérer le revoir ?… Il y a de différent, enfin, mon cher Louis, que
Thomas de Nissac est de retour et que j’ai aussi peur qu’il ne vienne… ou ne
vienne pas, je veux lui parler et je le veux fuir… Louis, je souhaite des
choses et leur contraire en le même instant.
    — Je crois cependant qu’il nous viendra
visiter, Élisabeth.
    Elle sembla effarée.
    — Non, c’est chose trop redoutable pour
moi.
    Ému et amusé de l’état où se trouvait sa sœur,
Louis fit mine de réfléchir.
    — Vous avez raison : je lui
interdirai notre demeure, prétextant que vous souffrez de migraine.
    La jeune femme eut un haut-le-corps.
    — Vous n’y songez point, Louis !… Dites-lui
tout au contraire qu’il est le bienvenu.
    Élisabeth, fort intelligente et en très
ancienne complicité

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