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Le Voleur de vent

Le Voleur de vent

Titel: Le Voleur de vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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avait interdit de la toucher et, comme il entreprenait de la battre, il
découvrit avec stupeur que fille ayant cinq frères tous soldats ou marins qui
la chérissaient – mais la traitaient souvente fois en garçon –, n’était point
oiselle mais adversaire redoutable. Ainsi, à coups de poing et de pied, elle le
domina. Il sortit alors l’épée, elle en brandit une, rouillée, et duel eut lieu
en la grande rue du village. Il y gagna balafre, et elle grand respect des
populations. Ivre de rage, visage ensanglanté, il avait été chercher deux
pistolets et tirant le premier, sans galanterie, il la rata tandis qu’elle lui
annonçait qu’il allait perdre une oreille, et ainsi la perdit-il en raison d’un
tir de grande précision…
    Le carrosse, assez ancien et prêté au
magistrat par un noble d’Orléans, avait dépassé Étampes depuis peu.
    Isabelle jeta un regard à son compagnon de
voyage qui ronflait comme une forge.
    C’était un homme jeune encore, mais au ventre
tel qu’on l’eût cru plein, et près d’accoucher. Mais il s’était montré émouvant
en sa joie enfantine de voir la Cour, et peut-être le roi. Grisé par ces
alléchantes perspectives, il avait, comme agissant naturellement, posé sa main
sur l’entrecuisse de la jeune femme avant qu’une gifle sonore lui fît comprendre
que ce voyage avait pour destination le Louvre, et non Cythère.
    Le comte de Nissac
avait lui aussi dépassé Étampes depuis peu et se trouvait en fait très proche
du carrosse de madame de Guinzan mais, ménageant « Flamboyant », il
demeurait à quelque distance du nuage de poussière soulevé par la voiture
orléanaise.
    Nissac tentait de songer à la mission qu’on
lui allait confier mais il ressentait grande méfiance. L’idée venait du roi, et
d’Henri quatrième, Nissac savait n’avoir rien de bon à attendre.
    Suffisamment subtil, le comte n’ignorait point
que la royale hostilité lui venait de sa conduite lors de la victoire de
Fontaine-Française.
    Il savait que l’élan décisif de la charge
victorieuse venait de lui, malgré son très jeune âge et quoi qu’en fît le roi
pour l’écriture en les livres d’histoire, bien des survivants n’ignoraient pas
que les lauriers revenaient au tout jeune Nissac.
    Au reste, l’amiral ne courait point après la
gloire et le démontrait chaque jour en n’accordant à ses superbes victoires
navales guère plus d’importance que l’intime contentement du travail bien
exécuté, jusqu’en ses détails.
    En revanche, ce qu’il était seul à savoir, se
trouvant bien placé, c’est l’hésitation qu’avait marquée le corps du roi sitôt
qu’il eut prononcé sa célèbre phrase : « À moi, messieurs, et faites
comme vous m’allez voir faire ! »
    Paroles hardies de Béarnais, grand courage qui
n’est point contestable mais voilà que le corps rechigne, hurle qu’il ne veut
point que mitraille et acier le traversent, le mutilent, déchirent ses chairs… est-on
lâche pour autant ?
    Certes non, pensait Nissac. Cette forme
supérieure de trahison de soi par soi-même, de l’esprit par le corps, de l’idée
par la matière, on ne la prévoit sans doute pas, la découvrant avec horreur en
l’instant où elle s’accomplit. Et ainsi se déroulèrent les choses pour Henri
quatrième qui ne démérita point en cette fugitive dérobade qui ne relevait pas
d’une volonté défaillante mais du corps de tout homme sain éperdu de vivre.
    Et, pour son malheur, le tout jeune Nissac
avait croisé le regard du roi où il vit effarement et désarroi.
    Que fût-il arrivé, en effet, si après ce
martial appel à s’élancer, le roi fût resté immobile, le cul brusquement en
plomb, les talons trop mous pour s’enfoncer en les flancs de son cheval et lui
donner l’élan de la charge ?
    Le regard du roi appelait « Au secours ! »
    Et Nissac le comprit si bien qu’il partit seul
sus à l’Espagnol en vitesse qui fit songer à celle d’une balle de pistolet.
    Sauf qu’en raison de la mémoire et de la
complexité des hommes, c’est mission de sacrifice que d’aider un roi en péril
de manque de courage, et de sauver l’honneur d’un monarque qui n’eut alors de
cesse de tenir en grande détestation garçon de seize ans sans lequel il eût été
la risée de toutes les Cours d’Europe, et du Peuple lui-même.
    Pour injuste que soit la chose, le comte de
Nissac comprenait tout cela. Il pensait néanmoins avoir bien agi et, malgré

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