Le Voleur de vent
les
funestes conséquences de cet acte généreux, referait de même aujourd’hui si
semblables circonstances se présentaient.
Il voulut chasser ces pensées, et y parvint, mais
le regretta aussitôt car vint l’assaillir le souvenir d’Élisabeth de La Tomlaye
et d’Inès de Medina Sidonia.
En ces affaires, ce n’était point l’amour qui
s’avançait vers lui, car malgré les charmants visages des deux jeunes femmes, serait
rapidement venu le temps des désillusions et de l’amertume.
Certes, il ressentait bonheur à exister pour
toutes deux mais ce n’était point là en la façon qu’il eût désirée, où l’autre
vous est tout, où l’on est tout pour l’autre.
La belle Élisabeth aimait trop son frère Louis
pour se jamais donner pleinement à un autre homme, et le comte de Nissac, aimé
à demi seulement, eût souffert plus encore de finir par en vouloir à Louis, qui
n’était pour rien en l’état des pensées et sentiments de sa sœur. Car ainsi
était-elle en vocation de mère, beaucoup trop mère pour être femme.
Nissac, renonçant à Élisabeth, pensait avoir
agi sagement même si son cœur se désolait de ne pouvoir s’ancrer en si belle et
tendre compagne.
Pareillement, renonçant à la ravissante
duchesse Inès de Medina Sidonia, comme il le lui avait fait comprendre, il
estimait avoir agi en grande prudence, ayant décelé petites choses qui, le
temps aidant en son travail de corrosion, n’eurent point manqué de devenir
grandes affaires.
Ainsi, la duchesse pensait l’aimer, quand elle
aimait l’amour. Et Nissac le devina si bien qu’il n’eut guère de peine à
imaginer quelles seraient ses infortunes si d’aventure, elle devenait sa femme.
Il avait vu du désir en ses yeux, mais point l’amour qui est renoncement de soi
pour le bonheur de l’autre tel qu’en les imaginations du comte hommes et femmes
devraient s’aimer.
Où était-elle, l’étincelle qui transfigure un
visage rien qu’à voir paraître l’autre qu’on aime ?… Où était-il, ce
regard lumineux qui annonce la passion, la douceur et le bonheur d’être au
monde puisque celui-ci porte l’être aimé ?… Où était-il, le sourire tendre
et complice qui vous unit à l’autre quand est accompli l’acte amoureux et que
sentiments profonds prennent la relève des corps au plaisir assouvi ?… Où
était-elle, la main qui cherche la vôtre en le lit pour la serrer si fort afin
de suggérer qu’en un univers où rien ne dure, si ce n’est les planètes, il faut
étreindre ce que l’on aime car, tôt ou tard, la mort vous l’arrachera ?…
La duchesse n’était point en ces
préoccupations et fière, sans doute, de s’être offerte à un amiral célèbre
autant pour ses victoires que pour ne se point donner à la première venue.
Nissac comprenait qu’il n’était qu’un jouet en
la stratégie d’un parcours amoureux dont il devinait qu’il serait fort long et
très fourni en hommes de toutes sortes.
Il ne blâmait point la duchesse, promise à la
futilité de son rang et déjà gangrenée par la quête du plaisir égoïste, tel qu’il
se conçoit en ce milieu. Au fond, le comte n’était pas loin de la plaindre pour
tout ce qu’elle ne connaîtrait jamais, espérant même qu’elle n’en aurait pas la
connaissance tardive, lorsqu’il est trop tard et que vient le temps stérile des
regrets.
Deux fois, coup sur coup, il était passé bien
près du bonheur mais se retrouvait plus seul que jamais. C’était tant pis, c’était
tant mieux, car il préférait la solitude à passion qui ne fût point entière, extrême,
dévorante. Passion qu’il ne pensait jamais pouvoir rencontrer quelque jour en
sa vie car, en amour comme en toutes choses, l’exigence n’est point amie de la
facilité.
Enveloppé en sa longue cape bleu marine, les
belles plumes de son chapeau ondoyant sous le glacial vent du nord, ainsi
allait vers son destin sur son cheval noir et aveugle l’amiral de Nissac, en
les mauvaises routes durcies par le gel de l’hiver.
40
Autant que le moyen d’imaginer intelligence en
la bataille leur manquait, autant leur faisait défaut le style.
Ils étaient sept, l’épée à la main, face au
carrosse dont le cocher, résigné, avait arrêté les chevaux. Cependant, placés
tels qu’ils étaient en un seul côté de la route, alors qu’ils auraient dû s’y
trouver de part et d’autre en enfilade, le cocher eût pu tenter manœuvre de
débordement, sauf
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