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Le Voleur de vent

Le Voleur de vent

Titel: Le Voleur de vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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interloquée, suivant des yeux ce
superbe seigneur sur son haut cheval noir qui s’éloignait en grande hâte comme
si le diable en personne le poursuivait.
    Femme de marin, fille et sœur de marins, elle
savait tout du comte de Nissac et s’étonna de n’avoir point songé qu’un tel
homme, si noble et si terrible, ne pouvait en effet être un autre.
    L’amiral de Nissac était pour tous les marins
du royaume, mais également pour leurs femmes, une légende vivante qui, sur son
redoutable et mythique Dragon Vert, imposait humaine justice en les mers
cruelles en faisant flotter sur son plus haut mât le pavillon à fleurs de lys
du roi de France.
    Lui !…
    Elle frémit de la tête aux pieds. Son cœur s’accéléra,
sa poitrine se gonfla, elle crut tout de bon défaillir et dut un instant s’appuyer
au carrosse. Elle avait chaud, puis froid, et chaud de nouveau. Elle avait soif,
tellement soif !…
    Lui !…
    Il n’était pas un petit bateau, qu’il fût
suédois ou hollandais qui, attaqué, ne comptait marins espérant voir surgir la
haute silhouette du Dragon Vert, l’amiral de Nissac à la dunette, qui le
protégerait aussitôt sans s’interroger un instant sur le royaume dont il
relevait et l’animadversion dont ses dirigeants entouraient la France.
    Le Dragon Vert surgissait des brouillards quand tout semblait perdu, arrivait en le soleil ou
sous pluie battante, volait le vent, s’inclinait dangereusement pour gagner de
la vitesse, inventait mille ruses mais toujours, finalement, attaquait avec
étonnante science du combat.
    À un contre plusieurs, il triomphait encore.
    On disait Le Dragon Vert plus rapide
navire de son temps, avec le plus extraordinaire équipage, la plus redoutable
artillerie et le plus grand commandant qui fût en les mers mais tout cela avait
été fabriqué jour après jour par le comte de Nissac, et ne devait rien au
hasard.
    On disait encore qu’avant le combat, l’amiral
de Nissac était plus blanc qu’un mort mais qu’au premier boulet, il avait joues
roses d’adolescent tandis que ses yeux gris comme on n’en connaissait point d’autres
voyaient tout, même ce qui se passait en son dos.
    On disait parfois que monsieur de Nissac ne
pouvait que descendre d’Ulysse qui, après la chute de Troie, avait conçu
ancêtre du comte avec la belle Circé, fille du soleil, ce qui lui valut la
haine de Poséidon cependant désarmé par sa bravoure et son humanité.
    Légendes ou vérités, on disait ainsi mille
choses de l’amiral de Nissac mais jamais en aucune bouche, fût-elle la plus
vile, paroles qui ne furent point respectueuses.
    Le juge d’Orléans, qui ne savait rien de tout
cela, ignorant même la gloire de monsieur de Nissac, s’impatientait :
    — Madame !… Ah çà, madame, pressez-vous
donc !
    Elle s’ébroua.
    — Que voulez-vous, à la fin ?
    — Mais le roi, madame !… Le roi n’attend
pas !
    Elle esquissa un sourire triste.
    — Que m’importe le roi quand j’ai parlé
au plus merveilleux des hommes qui fût jamais ?
    Puis, à mi-voix :
    — Comte de Nissac, mon beau seigneur et
mon doux rêve, te reverrai-je jamais ?
    Peut-être bien plus tôt qu’elle n’osait l’espérer,
mais en des circonstances qu’elle n’aurait pu imaginer !

41
    La riposte n’avait pas tardé. Quant au
châtiment envisagé, il n’en était qu’un : la mort ! Et s’il est une
chose que « Jaune » ne devait point espérer, c’est qu’elle fût rapide.
    Visage caché par le capuchon de sa robe de
moine, Aldomontano allait à cheval flanqué d’un certain Clément Lescuyer qui
fut lieutenant de police en la ville de Tours avant qu’on l’en chassât pour s’être
en plusieurs occasions montré malhonnête en l’exercice de sa fonction. Mais qu’il
fût cupide et voleur n’altérait en rien les qualités de policier de l’ancien
lieutenant de police dont spécialité était la traque où il se montrait rusé, tenace
et inspiré.
    Ainsi, à voir sur distance de deux lieux les
traces de pas en les souterrains du château des chimères puis en la forêt
avait-il affirmé à l’homme défiguré :
    — Votre loup-garou, que vous nommez si
étrangement « Jaune », n’est point seul. Il a emmené enfant très
jeune et l’a bientôt pris en ses bras car traces de pas ne sont plus quatre
mais deux et celles du loup-garou sont tout soudain plus profondément enfoncées
en le sol quand il porte le poids de l’enfant. Ils sont donc deux…

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