Lebensborn - la fabrique des enfants parfaits: Ces Français qui sont nés dans une maternité SS
jeune femme, en tout cas, a eu un enfant avec un officier allemand et est donc bien placée pour s’adresser aux futures candidates…
Il reste à trouver le lieu adéquat pour les accueillir. C’est chose faite le 19 novembre 1942 : ce jour-là, le Conseil de la province de Liège, sous étroite surveillance allemande, bien entendu, concède au Lebensborn le droit d’occuper le château de Wégimont. L’endroit présente de nombreux avantages. À douze kilomètres de Liège, il se trouve à la fois près des grandes routes reliant Bruxelles, les Pays-Bas, la France et l’Allemagne, tout en étant suffisamment retiré. Le domaine, à bonne distance des premières habitations des villages ruraux de Soumagne et d’Ayeneux, est protégé des regards par une enceinte. Un grand parc boisé avec des étangs entoure le château de style Renaissance. L’énorme bâtisse, en briques et pierres de la région, est composée de deux ailes flanquées de tours et reliées entre elles par un logis. L’ensemble comprend une bonne cinquantaine de pièces. Autre atout, majeur : en 1938, le château a été réaménagé pour devenir un centre de vacances familiales. Il dispose de salles de restaurant, de cuisines, de chambres à coucher et d’espaces de repos. Il y a même une piscine. Certes, quelques travaux sont nécessaires pour aménager les salles de soins et d’accouchement. Il faut aussi installer du mobilier correspondant aux normes en vigueur à Steinhöring. À part cela, le château de Wégimont est quasiment prêt à accueillir ses nouveaux pensionnaires.
Dernière étape : rassembler le personnel requis. Chaque maternité du Lebensborn est normalement dirigée par un médecin SS. Celle de Wégimont va tout d’abord être placée sous l’autorité du médecin-colonel Robert Hördemann. Problème : le docteur Hördemann, en poste à Bruxelles, à une centaine de kilomètres de là, est en charge des affaires médicales sur l’ensemble du pays. Il a autre chose à faire que de venir exercer ses talents à Soumagne. Nous le verrons, l’absence de médecin à demeure à la maternité causera de gros soucis. Au cours de l’été 1943, le commandant SS Walter Lang, qui dirigeait auparavant la maternité Friesland (Terre de la Frise), près de Brême, dans le Nord de l’Allemagne, prend ses quartiers au château. Ce spécialiste distingué des questions raciales n’est cependant pas médecin. Lang succèdera bientôt à Inge Viermetz en tant que « responsable du Lebensborn pour la Belgique et le Nord de la France ». Car, à la fin de 1943, madame Viermetz rentre à Munich. Elle souhaite démissionner de ses fonctions, a priori pour des raisons personnelles – c’est du moins ce qu’elle affirmera durant les interrogatoires menés en 1945 par les services de renseignement Alliés.
À Wégimont, Walter Lang a pour adjoint le capitaine Pletsch. Cet invalide de guerre, borgne et estropié, s’occupe de l’administration du domaine. Les deux officiers sont entourés de cinq ou six employées de bureau. Un détachement de Waffen-SS est chargé de la sécurité des lieux.
L’infirmière en chef Margarethe Petrowska veille sur la maternité. Elle dispose d’une équipe de huit infirmières, belges pour la plupart. La maternité emploie en effet essentiellement du personnel local. La sage-femme, Fanny Montulet, a été recrutée à Liège. Les aides-soignantes sont belges, elles aussi. Une quinzaine de femmes des environs sont embauchées comme cuisinières, serveuses au réfectoire, femmes de ménage ou lavandières. Beaucoup ont, semble-t-il, été réquisitionnées. C’est ce que m’a assuré l’une d’entre elles, Mariette Bodeux quand je l’ai rencontrée, 68 ans après les faits, à Soumagne. « On est venue me chercher parce que je travaillais dans un café, près de la gare. Je n’avais pas le choix », raconte-t-elle.
Quelques hommes travaillent aussi au château, notamment un chauffeur, un jardinier et un menuisier. Les habitants du coin sont donc au courant de la création d’une maternité allemande : mais savent-ils de quoi il retourne exactement ? Peu probable. D’autant plus qu’il est interdit d’approcher sans raison valable de l’enceinte, sévèrement gardée.
La date exacte de l’inauguration de la nursery Ardennen n’est pas connue. Mais, une réception officielle, suivant le cérémonial SS, a dû avoir lieu, durant les premiers jours de mars 1943. La
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