Lebensborn - la fabrique des enfants parfaits: Ces Français qui sont nés dans une maternité SS
maternité de Wégimont – la seizième du genre, sans compter les foyers pour enfants plus grands – va pouvoir accueillir 20 mères et une trentaine de bébés.
La durée de séjour au Lebensborn est variable. D’ordinaire, les femmes mariées n’y restent que quelques jours, avant et après l’accouchement, rarement plus de deux semaines. Les mères célibataires, elles, peuvent y résider à partir du septième mois de grossesse jusqu’au deuxième mois suivant la naissance. Si elles doivent reprendre leur travail ou si elles décident d’abandonner leur enfant, ces derniers peuvent être gardés sur place pendant un an. Au-delà de cette période, le bébé est confié à un Kinderheim , un foyer où il est pris en charge jusqu’à ce qu’il soit adopté. Durant les dix-sept mois de son existence, l’établissement des Ardennes va assurer ce double rôle de maternité et de Heim . Plusieurs enfants vont demeurer à Wégimont, aux bons soins de la SS, jusqu’à sa fermeture en septembre 1944. C’est le cas de la petite Heidrun de B., née le 1 er avril 1943, dont « la mère ne s’occupe pas ». C’est aussi ce qui va arriver à Gisèle Niango, qui s’appelle alors Gisela Magula.
La première naissance au château se produit le 20 mars. C’est une petite fille : Hannelore. La mère, Clementina S., est flamande. Le père, Heinrich Heidenfelder, est un militaire allemand. Née avec le printemps, Hannelore ne grandira pas en famille. Son père sera tué en février 1945. Clementina, qui était partie pour tenter de le retrouver en Allemagne, rentrera en Belgique à la fin de la guerre. L’enfant sera finalement confiée à une famille adoptive à Francfort. C’est tout que je sais à son sujet.
La très grande majorité des femmes qui viennent accoucher à Wégimont sont des compagnes de SS belges. Il y a aussi quelques Hollandaises et Françaises, venues là par souci de discrétion, mais très peu d’Allemandes. Toutes ces dames doivent cohabiter dans un égalitarisme de circonstances. On les désigne ainsi : « Frau (Madame), suivi du prénom ». Inutile de dire que les épouses d’officiers SS acceptent difficilement d’être traitées sur le même pied que des filles belges de 20 ans qui se sont fait engrosser par un homme de troupe… La petite communauté est pourtant censée mener une vie harmonieuse et saine, propice à l’éclosion de parfaits petits aryens. Les journées sont consacrées à l’apprentissage des soins à apporter au nourrisson. Les mamans sont tenues d’allaiter le plus longtemps possible : le Lebensborn a établi des corrélations entre la durée d’allaitement et leurs « qualités raciales ». Les mères les plus jeunes assistent également à des cours sur l’hygiène et la tenue d’un ménage, notamment des leçons de cuisine. Ces travaux sont entrecoupés de promenades dans le parc et de temps de repos dans le salon de lecture. Chaque semaine, deux à trois soirées sont consacrées à la formation idéologique : on lit des passages de Mein Kampf , on écoute les discours du Führer à la radio, on entonne des rengaines populaires et des chansons à la gloire du régime…
Tous les repas sont pris en commun. « Midi et soir, nous servions les mères et les Allemands au réfectoire, au rez-de-chaussée, m’a raconté Mariette Bodeux. Tout le monde disait toujours “Merci”, très poliment. Ensuite, il fallait débarrasser et tout nettoyer. On voyait rarement les enfants, parce qu’ils restaient à l’étage, avec les infirmières et les filles de chambre. »
On mange bien au Lebensborn . Très bien, même. Thé, cacao, flocons d’avoine et pain complet au petit déjeuner. Le midi ? « Boulettes de viande et haricots verts, pommes de terre en sauce, groseilles au dessert » ou « épinards, œufs au plat, pommes de terre sautées, prunes », par exemple. Au dîner : « soupe de légumes, saucisse au foie, pain, thé ». Le dimanche après-midi, on prend aussi un goûter, avec de la confiture et du pain blanc. Pendant ce temps, dans toute l’Europe de l’ouest, y compris en Allemagne, la population fait des heures de queue, tickets de rationnement en main, pour obtenir un morceau de pain à la sciure et des patates infestées de doryphores. Ailleurs, de la Pologne à l’Oural, on meurt de faim. Les pénuries finiront par toucher les maternités SS à l’été 1944, mais, pour l’heure, on ne manque de rien.
La
Weitere Kostenlose Bücher