Lebensborn - la fabrique des enfants parfaits: Ces Français qui sont nés dans une maternité SS
de 216 kilomètres en Bavière. Leur convoi traverse la forêt de Weissenburg, puis franchit le Danube à Ingolstadt. Le lendemain, le 3 avril, il parvient à destination. Steinhöring, un petit village à quarante kilomètres à l’est de Munich. Plus précisément, la maternité Hochland (Terre du haut), à quelques centaines de mètres des premières maisons.
C’est ici que va prendre fin le projet dément de l’organisation L. C’est ici même que tout avait commencé, neuf années plus tôt.
Le 15 août 1936, Heinrich Himmler inaugure solennellement la maison-mère du Lebensborn . La cérémonie se déroule en petit comité, en présence des seuls cadres de l’association et du personnel de la nursery : le projet doit pour l’heure rester ultrasecret.
La demeure, qui ressemble à un énorme chalet, est entourée de dépendances. Hochland combine tous les avantages nécessaires à l’éclosion de la future élite : le confort, le bon air de la campagne et la discrétion. Auparavant, le lieu accueillait un foyer pour enfants de l’œuvre catholique Caritas. En le rachetant à l’État de Bavière pour 55 000 Reichsmarks, Himmler vient d’en faire le berceau de la race supérieure. Désormais, le drapeau noir de la SS – orné des deux runes nordiques symbolisant le soleil, source de vie – flotte sur Steinhöring. Pour mille ans, au moins.
Doté à l’origine de 30 chambres maternelles et de 55 lits pour enfants, l’établissement modèle peut accueillir, à partir de 1940, 50 mères et 109 bébés. Combien de petits aryens sont nés à Steinhöring ? Trois mille, peut-être, selon certaines sources ; 1 438, si l’on se réfère aux services d’état civil de la commune, qui ont conservé trois cahiers des registres secrets Steinhöring II . Les noms et prénoms des petits y sont consignés. Ils portent théoriquement le patronyme de leur mère.
Quelques bébés ne sont pas nés sur place. C’est par exemple le cas de Peter B., natif de Lamorlaye, le 7 mai 1944, mais enregistré à Steinhöring afin de faciliter sa « germanisation » demandée par son père, Peter Dorscht, adjudant SS, et Agnès B., sa mère, une Française.
Cependant, la quasi-totalité des enfants déclarés à Steinhöring a été mise au monde ici, sous les ordres de Gregor Ebner. Chauve, portant des lunettes, enjoué, le docteur, chef du département Santé du Lebensborn , est le véritable homme-orchestre de l’organisation. Rappelons-le : Ebner, Oberführer-SS , est le médecin de famille de Himmler et un ami personnel de longue date. Les deux hommes se sont connus à l’université de Munich. Ils fréquentaient la même association étudiante, Appollo, où l’on cultivait le goût des duels et de l’amitié virile.
Depuis 1935, Ebner dispose de bureaux à l’office central du Lebensborn , à Munich, mais, à compter de l’année suivante, il officie régulièrement à la maternité Hochland . Là, il est entouré de 17 « infirmières brunes », commandées par l’ Oberschwester (infirmière principale) Henny Nöhren. Steinhöring servira de référence à la vingtaine d’autres établissements du Lebensborn créés en Allemagne, puis en Europe occupée, entre 1937 et 1944. L’avenir de la race nordique est entre de bonnes mains…
Mais, quand le convoi en provenance de Schalkhausen parvient à Hochland , le 3 avril 1945, le vent de l’histoire a irrémédiablement tourné. Steinhöring est maintenant l’ultime repaire des zélateurs de la race supérieure. Au fur et à mesure du reflux des armées du Reich, les établissements de l’office L ont fermé les uns après les autres. En avril 1944, les foyers établis en Pologne pour « recueillir les enfants de bonne race » sont abandonnés. Le 10 août, comme nous le savons, le manoir de Lamorlaye est évacué. Trois semaines plus tard, le 1 er septembre, c’est au tour de Wégimont. Puis Moselland , au Luxembourg. Suivent, au printemps 1945, Wiesbaden, Nordrach, Bad Polzin, Schalkausen, en Allemagne. Ou encore Wienerwald (Forêt de Vienne) et Alpenland (Terres alpines), en Autriche. D’urgence, le personnel et les petits pensionnaires de tous ces établissements sont acheminés par camions ou trains spéciaux vers le bastion de Steinhöring.
Pour les SS, Hochland reste un refuge à toute épreuve. Malgré l’avance inexorable des Alliés, c’est ici, en Haute-Bavière, que les nazis pensent pouvoir tenir, jusqu’à la
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