Lebensborn - la fabrique des enfants parfaits: Ces Français qui sont nés dans une maternité SS
connaissance et jusqu’à présent, l’objet d’aucun rapport défavorable. Elle ne figure pas au casier judiciaire de Bruxelles. On ne lui connaît pas d’autres fréquentations ou liaison qu’Henri L. » Ce qui signifie qu’elle n’est plus suspectée, cette fois, d’être une ancienne prostituée… Le 17 février 1951, Marguerite épouse son concubin. Elle acquiert la nationalité belge par ce mariage. Un petit garçon naîtra de leur union en 1953. Gisèle Niango ne fera la connaissance de son demi-frère que 57 ans plus tard. Marguerite, elle, est décédée en 2001.
Sa sœur, Ella, n’a pas connu la même réhabilitation. En 1943, Albert Starck, le père de sa fille, l’homme de la Gestapo, est muté. Nous savons qu’il ne lui envoie que rarement de l’argent pour subvenir à leurs besoins. En juillet, Ella est désignée pour travailler à la fabrication d’uniformes de la Luftwaffe, à Moussey, en Moselle, comme l’ont fait auparavant sa mère et sa sœur. Elle en revient dès le mois de septembre suivant, avec une autorisation officielle, car sa petite fille de 15 mois est gravement malade. C’est à cette période que les deux sœurs, dans une misère noire, cohabitent de nouveau. Pour très peu de temps. Marguerite part accoucher à Wégimont. Ella, sans aucune ressource, est alors contrainte de confier sa fille aux services sociaux. Grâce à l’œuvre « L’aide des campagnes aux enfants des villes », la petite est placée chez un fermier, à Finnevaux, un village proche de la frontière française, à une centaine de kilomètres de Bruxelles. Ella rend régulièrement visite à sa fille. Et elle finit par trouver du travail à l’auberge d’un village voisin, Feschaux. C’est là que son passé la rattrape, après-guerre, quand elle demande à obtenir la nationalité belge. En novembre 1949, une enquête de la police de Dinant rappelle qu’elle fut la maîtresse d’un Allemand attaché à la Gestapo. De plus, « plusieurs personnes ne désirant pas être citées, mais dignes de foi » assurent l’avoir vu se prostituer, à la Libération, avec des soldats américains fréquentant l’auberge de Feschaux. Suivent quelques détails sordides. On lui prête aussi une liaison avec un menuisier des environs. Quel crédit porter à ces témoignages ? Difficile d’en juger. D’autant plus que le rapport se poursuit sur une tout autre tonalité. « L’enfant de l’intéressée [elle a 7 ans] poursuit ses études à l’école normale de l’État, à Andenne, et sa mère a l’ambition de la faire entrer dans le corps enseignant. C’est la raison principale pour laquelle M. désirerait obtenir la nationalité belge. L’intéressée est une excellente mère de famille, qui sacrifie tout ce qu’elle possède à l’éducation et au bien-être de sa fille. Jamais on ne la rencontre dans des lieux de plaisir quelconques et elle ne se permet aucune distraction. Le surplus de ses économies serait affecté à l’achat de livres d’étude que sa fille pourrait utiliser ultérieurement. » En 1950, le ministère de la Justice refusera la naturalisation à Ella, du fait de sa « vie indigne » qui la rend « suspecte »… Elle n’obtiendra finalement la nationalité belge qu’en 1956. Bien des années plus tard, sa fille Gisèle est devenue institutrice.
Une dernière personne manque à l’appel : Margit, la mère d’Ella et Marguerite, la grand-mère des deux Gisèle. Partie travailler à l’usine de confection d’uniformes allemands, à Moussey, elle n’est pas retournée en Belgique après la guerre. Elle s’est mariée avec un français à Avricourt, tout près de Moussey et a fini ses jours en Lorraine. Elle est morte en 1968 à l’hôpital central de Nancy. Cette année-là, il est fou de constater que Gisèle Niango y travaillait en tant qu’infirmière… Une pensée la taraude d’ailleurs : « J’ai pu la croiser là-bas, sans savoir qui elle était. Je l’ai peut-être soignée… »
1 - Voir le chapitre « Walter, Gisèle et la liste des 17 ».
2 - Sarrebourg, le chef-lieu d’arrondissement de Moussey.
XIV
Le secret de Walter
Au mois de mai 2010, j’avais profité de mon passage chez Gisèle Niango pour rendre visite à Walter Beausert. Trente kilomètres séparent les villages de Jouy-sous-les-Côtes et de Nançois-le-Grand. La route passe par Commercy, la sous-préfecture de la Meuse où, comme une cinquantaine
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