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Lebensborn - la fabrique des enfants parfaits: Ces Français qui sont nés dans une maternité SS

Lebensborn - la fabrique des enfants parfaits: Ces Français qui sont nés dans une maternité SS

Titel: Lebensborn - la fabrique des enfants parfaits: Ces Français qui sont nés dans une maternité SS Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Boris Thiolay
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elle en a adopté deux…
    — L’autre enfant adopté, qui était-ce ?
    — Irène. Elle est arrivée chez madame C. après mon mari. Elle, elle avait été arrachée du ventre de sa mère. Elle était née dans un bordel pour Allemands… Mon mari, il avait souffert. Il était très fragile quand il est arrivé chez sa mère adoptive, ma belle-mère. Irène, elle n’avait pas souffert. Mais, c’était une rebelle. Elle n’avait pas de copine : je ne sais pas si elle avait le caractère des Boches… Plus tard, mon mari est devenu cantonnier. Irène s’est mariée. Elle est allée travailler à l’usine, à Bar-le-Duc. Elle a eu un enfant. Ensuite, elle a divorcé. Elle est partie. Elle a laissé l’enfant à l’Assistance publique. Elle le voyait une fois par an… Ma belle-mère est décédée il y a quatre ans. Irène, elle est née très mal, elle a fini très mal. J’ai su qu’elle était morte à Bordeaux, il y a deux, trois ans. Moi, ça faisait 40 ans que je ne l’avais pas revue, Irène…
    Au bout du fil, j’entendais Armand s’impatienter. J’ai alors posé à son épouse une question dont je connaissais déjà la réponse.
    — Le vrai prénom d’Irène, c’était bien Ingrid ?
    — Oui, son père c’était un Boche, un gradé. Sa mère, c’était une Suédoise, il paraît. Elle était soi-disant de la race aryenne…
    La sœur adoptive d’Armand C. s’appelait Ingrid de Fouw. Elle était née le 31 juillet 1944, à Lamorlaye, dix jours avant l’évacuation vers l’Allemagne du foyer du Lebensborn Westwald .
    1 - Située à 165 kilomètres au nord-est de Tübingen.
     
    2 - Les mots sont soulignés dans le courrier.
     
    3 - Voir archives : « ZFO, 1945-1949 ».
     
    4 - Le mot est souligné.
     
    5 - Voir le chapitre « Sœur Annick et ses sœurs : un incroyable destin ».
     

 
    XIII
    Ma tante ou ma mère
    Quand Gisèle Niango avait téléphoné, à la fin du mois de mai 2009, pour m’annoncer que Gabrièle E. – « Ella » – ne pouvait pas être sa mère 1 , j’imaginais qu’elle était totalement abattue. Le sort la narguait, l’histoire se dérobait à elle au moment même où un dénouement, une part de vérité tout au moins, semblait proche. Surtout, comment allait-elle admettre de voir s’évanouir une seconde fois cette mère biologique dont elle avait cru retrouver l’image, puis reconstituer l’existence ? Cette femme avait pourtant bien existé. Durant toutes ces années passées à lui trouver un nom, un visage, Gisèle l’avait certainement interpellée, questionnée, jugée. Elle avait dû soupeser ses actes, tour à tour l’accuser et la défendre. Elle l’avait probablement aimée aussi, malgré tout. Jusqu’à ce qu’un nouvel élément – un document de justice belge datant de 1943 – surgisse et balaie tout sur son passage. Albert Starck, l’homme appartenant à la Gestapo de Bruxelles, n’était pas son père. De même, l’autre Gisèle, retrouvée en Belgique, qu’elle croyait être son aînée, ne pouvait plus être sa sœur.
    Pourtant, contrairement à ce que je pensais, l’effacement de la « piste Ella » avait ranimé chez Gisèle Niango sa « rage » de savoir. Elle avait alors relancé des démarches afin de pouvoir consulter les documents administratifs belges concernant la famille E. Des dossiers conservés à Bruxelles, aux archives générales du royaume. Je me tenais périodiquement au courant de ses avancées. Elle m’avait ainsi prévenu de son prochain déplacement en Belgique. Quelques semaines après son retour, je suis retourné voir Gisèle. C’était à la fin du mois de mai 2010. Nous nous sommes donné rendez-vous à Jouy-sous-les-Côtes, son village d’enfance. Elle y possède une petite maison, celle que lui ont léguée ses parents adoptifs. Jouy-sous-les-Côtes, un village typique de la campagne lorraine. Cinq cent soixante-dix habitants, neuf rues, dont quatre en impasse. Gisèle est arrivée ici en 1946. Son père adoptif, Adolphe Marc, travaille à la chaîne dans une fonderie de Commercy, à une douzaine de kilomètres par la route qui franchit les coteaux surplombant la vallée de la Meuse. Marie-Thérèse, elle, s’occupe du foyer et cultive le jardin. Gisèle se souvient d’avoir vécu une enfance heureuse, insouciante. Jusqu’à ce que des mômes viennent lui répéter ce que ses propres parents allaient mettre un certain temps à évoquer : qu’ils n’étaient pas ses

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